© MARC BRENNER

Du 10 mars au 3 avril, le directeur musical de l’Orchestre National du Capitole et du Bolchoï pilote, en tant que directeur artistique, la deuxième édition des « Musicales franco-russes » de Toulouse, manifestation pensée comme un trait d’union entre deux cultures historiquement liées. Il dirigera notamment Mazeppa et Eugène Onéguine à la Halle aux Grains, les 10 et 11 mars, avec les forces du prestigieux théâtre moscovite, puis reprendra Mazeppa à la Philharmonie de Paris, le 14. Un feu d’artifice d’opéra russe qui se poursuivra, en août prochain, avec une nouvelle production de Boris Godounov au Festival de Salzbourg, dans une mise en scène de Christof Loy.

Dans quel esprit avez-vous créé les « Musicales franco-russes » ?

C’est un projet ambitieux, qui est né l’an dernier. Il s’agit, concrètement, de poursuivre un dialogue fécond entre deux cultures que bien des points rapprochent. La musique y occupe une place essentielle. Le lien très fort que j’entretiens, depuis bientôt deux décennies, avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse (ONCT), ainsi que mes fonctions au Théâtre Bolchoï de Moscou me placent, à cet égard, dans une position privilégiée. Quand on parle des rapports entre la France et la Russie, on ne veut voir souvent que des aspects politiques, en insistant sur ce qui peut être sujet de désaccord. Notre rôle à nous, artistes, est aussi de montrer ce qui marche bien depuis longtemps déjà, et qui existe encore !

Quel sera le programme de cette deuxième édition ?

Plusieurs manifestations, à Toulouse principalement, ainsi que ponctuellement à Auch et à l’abbaye de Lagrasse, témoigneront de cette volonté de dialogue. La musique en constituera le pivot, mais autour d’elle, et avec elle, la littérature et le cinéma auront aussi une place de choix. Le grand cinéaste Andrei Konchalovsky bénéficiera d’une rétrospective à la Cinémathèque de Toulouse, qui organisera également des ciné-concerts autour de films soviétiques muets – par exemple, Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein. Comme l’an dernier, pendant deux jours, je prendrai en charge l’Académie  de direction d’orchestre, qui permettra à de jeunes chefs d’approfondir leur expérience. Plus que jamais, la manifestation sera portée par une volonté de transmission. À mes côtés, d’autres musiciens français et russes, comme Maxim Emelyanychev ou Bertrand Chamayou, participeront à ces journées, où concerts, conférences, projections attireront, je l’espère, un large public d’amateurs et de curieux. Car notre programme permet aussi la découverte d’œuvres peu connues, comme La Carmélite de Reynaldo Hahn, créée à l’Opéra-Comique, en 1902.

La manifestation débutera par la représentation, les 10 et 11 mars, en version de concert, de deux opéras de Tchaïkovski, que vous dirigerez vous-même…

L’an dernier, j’avais choisi de diriger, avec l’orchestre, les chœurs et les solistes du Bolchoï, La Dame de pique de Tchaïkovski et Ivan le Terrible (La Pskovitaine) de Rimski-Korsakov, un opéra très connu et un autre qui l’était nettement moins. Cette fois-ci, ce sera Mazeppa et Eugène Onéguine, venus tous deux de textes de Pouchkine et qui représentent, d’une certaine manière, deux versants complémentaires de ce qu’il est convenu d’appeler « l’âme russe ».

Eugène Onéguine n’a-t-il pas toujours été pour les Russes un opéra identitaire ?

C’est, en tout cas, l’opéra russe par excellence ! Depuis sa création, en 1879, il n’a pratiquement jamais quitté l’affiche des théâtres, quel que soit le régime politique en place. Hors de Russie, il a toujours été considéré comme une œuvre majeure. N’oublions pas qu’à l’origine, Tchaïkovski l’avait fait représenter par les étudiants du Conservatoire de Moscou. Cette jeunesse, cette libre expression des passions animent tout l’opéra. Chacun d’entre nous peut immédiatement s’identifier à tel ou tel de ses personnages, qui, à plusieurs moments de la vie, incarnent parfaitement ce que sont les raisons et les déraisons, les illusions et les désillusions du sentiment amoureux. Dès le premier tableau, le décor est planté : typiquement russe, mais également universel.

Mazeppa apparaît, à première vue, fort différent…

À première vue seulement, car on y retrouve ce qui porte, à mon avis, la marque de Tchaïkovski : son très grand talent de metteur en scène. Chaque personnage est superbement dessiné, et la dramaturgie est parfaite. Ici, l’ambiance est vraiment très sombre, avec un sujet plus violent où la guerre, la torture, la passion ravageuse, et même la folie, sont présentes. De cet opéra, créé au Bolchoï, en 1884, on connaît surtout l’Ouverture et la page symphonique qui évoque la bataille de Poltava. Il me paraît indispensable de redécouvrir aujourd’hui Mazeppa dans sa totalité. Je le dirigerai moi-même, les 7 et 8 mars, à Moscou, avant Toulouse et Paris.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 159

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