Carmen au Festival de Glyndebourne (2015). © ROBERT WORKMAN

Cet automne, l’actualité de la mezzo-soprano française est dominée par la sortie de son nouvel album, chez Harmonia Mundi, accompagnée d’un concert de lancement, à l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique-Philharmonie de Paris, le 20 novembre. Côté opéra, sa prochaine prise de rôle sera Donna Elvira dans Don Giovanni, au Palais Garnier, du 21 mars au 24 avril 2020.

Votre nouvel enregistrement pour Harmonia Mundi s’intitule Une soirée chez Berlioz. Comment l’idée d’un tel programme est-elle née ?

La proposition est venue de Christian Girardin, le directeur de production chez Harmonia Mundi, de la musicologue Fannie Vernaz et de Bruno Messina, le grand spécialiste français de Berlioz. Ils ont trouvé les partitions, et fait une sélection selon les tessitures, les textes, la diversité mélodique, dans un souci de varier les atmosphères et les couleurs, avec, bien entendu, la participation des musiciens qui m’accompagnent : Thibaut Roussel joue la guitare Grobert que Paganini avait offerte à Berlioz, instrument de 1830 pour lequel il a eu un coup de cœur, tandis que Tanguy de Williencourt touche, lui, un piano Pleyel de 1842 – les deux sont conservés au Musée de la Musique.

Comme me l’a dit Christian Girardin, on oublie souvent que, pour Berlioz, la guitare a été un instrument de travail essentiel ; n’étant pas pianiste, il a beaucoup composé à la table ou avec l’aide de la guitare…

C’est vrai ; il a aussi effectué beaucoup d’arrangements et d’accompagnements pour cet instrument, qui est donc très présent dans notre disque. Si le piano est alors le favori des salons, la guitare est plus amicale, plus intime. Nous avons d’ailleurs inclus quelques pages pour guitare seule ou pour piano, dont des transcriptions d’airs de Berlioz, dues à son ami Liszt.

François Devienne, Nicolas Dalayrac, Dominique Della Maria, Jean-Antoine Meissonnier… Des musiciens connus en leur temps, mais bien oubliés aujourd’hui. Comment décririez-vous leurs partitions ?

Ce sont des romances, des chansons, donc des partitions délicates, même si certains textes sont très truculents. Quelques-unes mettent à contribution le violoncelle, le cor naturel, la harpe. Il faut s’amuser avec, leur donner du relief tout en respectant leur simplicité, qui est parfois confondante, et surtout ne pas chercher à leur apporter un poids qu’elles n’ont pas ; le fait de venir du baroque m’a aidée, car c’est un répertoire qui m’a appris à me sentir libre. C’est vrai que Dalayrac, par exemple, n’est pas vraiment mon pain quotidien, c’était donc un défi de me demander ce que je pouvais en faire. Mais comme je vous l’ai dit, ce disque est, avant tout, un travail d’équipe. Nous donnerons ce programme à l’Amphithéâtre de la Cité de la Musique, le 20 novembre prochain ; j’aimerais vraiment qu’un jour, nous puissions le proposer dans un salon, pour retrouver l’esprit de ce temps passé.

Que dire des pages de Berlioz lui-même ?

Nous avions envie de présenter une facette de lui que les gens ne connaissent quasiment pas, un visage enjoué, léger, bien loin du romantisme dramatique et, plus encore, de l’auteur de fresques impressionnantes, comme Les Troyens. Ainsi, Le Jeune Pâtre breton (tiré de Fleurs des landes), l’Élégie en prose (extraite des Neuf Mélodies irlandaises) ou La Captive (sur un poème de Victor Hugo) sont des œuvres sans prétention, et nous devions les interpréter avec une simplicité proche du quotidien.

Berlioz est un compositeur avec lequel vous semblez avoir des liens étroits…

Je pense que ma vocalité se prête bien à son écriture, parfois compliquée mais toujours très vocale, même lorsqu’il sollicite les extrêmes. Il lui arrive de vouloir traiter la voix comme un instrument, mais en même temps, il ne se départit jamais de son sens du théâtre. Les Nuits d’été accompagnées au piano, c’est tout autre chose qu’avec l’orchestre, mais on chante toujours différemment selon le jeu du pianiste, les instruments, les personnages que l’on souhaite incarner. On est tenté de se mêler aux sonorités orchestrales ; le piano impose davantage d’intimité. Tout dépend de la salle, des partenaires, de nos propres forces… mais aussi de nos faiblesses !

Au Festival de La Côte-Saint-André, cet été, vous avez incarné Orphée dans la version de l’opéra de Gluck révisée par Berlioz, en 1859, à l’intention de Pauline Viardot…

J’avais abordé cette version d’Orphée et Eurydice à Bruxelles, en 2014, sous la direction d’Hervé Niquet et dans une mise en scène de Romeo Castellucci. J’aime énormément cette musique, un peu haute parfois pour moi, mais tout dépend du diapason adopté. Curieusement, je n’ai jusqu’à présent chanté le rôle qu’en français, on ne me l’a jamais proposé en italien.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 155

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