Serpetta dans La finta giardiniera à Aix-en-Provence (2012). © PATRICK BERGER
Serpetta dans La finta giardiniera à Aix-en-Provence (2012). © PATRICK BERGER

Un nouveau programme Rossini en concert, puis Sœur Constance dans Dialogues des Carmélites à Amsterdam, et enfin la tournée de lancement de son deuxième récital pour Erato, dédié à Mozart : le dernier trimestre 2015 est particulièrement chargé pour la talentueuse soprano française, désormais propulsée vers les sommets. À même pas 30 ans, l’avenir s’annonce sous un jour on ne peut plus radieux !

En juin dernier, au Festival d’Auvers-sur-Oise, vous avez donné un récital consacré à Ravel, Roussel et Zemlinsky. Comment l’idée de ce programme, aussi passionnant qu’exigeant, vous est-elle venue ?

Elle est née d’une envie d’interpréter Ravel que je partageais avec Anne Le Bozec, mon accompagnatrice. L’un de nos précédents récitals était conçu autour de Pauline Viardot et ses amis : Massenet, Bizet, Saint-Saëns, Robert et Clara Schumann… L’écriture de Ravel nous fascinait. Nous nous connaissons bien, puisque nous travaillons ensemble depuis cinq ans maintenant, et nous pressentons la musique capable de nous convenir. Anne qui enseigne, entre autres, au CNSMD de Paris, dispose d’une bibliothèque énorme, et sa connaissance du répertoire est exceptionnelle ! Nous avons profité d’une « résidence » à la Fondation La Borie-en-Limousin pour regarder un tas de partitions et n’en garder que la crème. C’est ainsi que nous avons mis en regard Ravel et Roussel face à Zemlinsky, trois compositeurs qui ont voulu dépasser les codes des salons. Pour eux, la mélodie a été un véritable terrain d’expérimentation.

Et le public vous suit sur cette voie.

Il en redemande même, et nous sommes très touchées de ses réactions ! C’est un répertoire primordial pour moi, j’aime chanter en français et j’aime la langue allemande ; Anne, qui a enseigné à Karlsruhe, m’aide à améliorer ma prononciation. Cela dit, compte tenu des productions lyriques qui m’attendent, il me sera nécessaire de veiller à garder le temps pour la musique de chambre.

Vous êtes très attachée à la musique ancienne.

C’est avec elle que j’ai fait mes premiers pas de soliste. J’ai d’abord étudié le violoncelle et travaillé dans des ensembles ; j’ai ainsi assuré le continuo de Dido and Aeneas de Purcell, au Conservatoire de Rennes ! C’est là, également, que j’ai découvert la voix de mes amis. J’ai beaucoup pratiqué la musique sacrée, les nombreuses cantates de Bach, par exemple. Au même moment, j’ai pu intégrer le Chœur de l’Opéra de Rennes. Lorsque, toute jeune, j’ai commencé à chanter, mon instrument était fluet mais relativement agile, et le baroque s’est imposé tout naturellement. William Christie et Les Arts Florissants avaient une « résidence » à Caen, j’avais vu Il ritorno d’Ulisse in patria de Monteverdi, qui m’avait séduite.

Comment avez-vous travaillé votre voix ?

Au Conservatoire de Caen, j’avais eu comme professeur Jocelyne Chamonin. À Rennes, j’ai été l’élève de Martine Surais et j’ai continué à développer mon goût pour le chant ; c’est elle qui m’a fait découvrir que j’aimais la scène. Le cœur du débat, c’était d’élargir mon médium et de projeter cet instrument si léger. L’aigu, je n’y prêtais pas attention, car il faisait partie de moi : je parlais aigu, je riais aigu… J’ai compris qu’il ne fallait pas en abuser, d’ailleurs, et j’ai cherché un répertoire qui ne soit pas uniquement fondé sur lui.

Quel souvenir gardez-vous de vos années au CNSMD de Paris ?

Elles ont été décisives. J’ai rencontré des collègues, des amis : les sopranos Maïlys de Villoutreys et Julie Fuchs, le baryton-basse Florent Baffi… J’y ai croisé ceux qui, plus tard, allaient fonder l’ensemble Le Balcon : le pianiste Alphonse Cemin, le directeur musical Maxime Pascal… Entre nous se créait une émulation qui nous portait. Lorsqu’on arrive dans un tel établissement, on ne maîtrise pas vraiment son instrument ; la collectivité est donc quelque chose de très porteur, qui aide à se construire. Avec, bien sûr, une équipe de professeurs épatante, et la possibilité de disposer d’une bibliothèque dans laquelle on peut piocher tout ce qu’on veut !

Quand avez-vous pris la décision de faire du chant votre métier ?

Je ne l’ai pas vraiment décidé. Avant tout, j’ai pris à cœur l’enseignement qu’on me dispensait, j’ai tenu à acquérir la technique nécessaire. C’est en découvrant le métier de cantatrice que, peu à peu, j’ai eu envie de continuer. Aujourd’hui encore, cela me surprend de tant aimer ce travail ! Je n’ai jamais voulu me consacrer uniquement à la scène, ou au récital, ou à l’oratorio, ce sont toutes ces disciplines qui me définissent.

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