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Martini : Requiem pour Louis XVI

01/06/2020

Berlioz a orchestré, en 1859, la romance Plaisir d’amour de Jean-Paul-Égide Martini (pseudonyme de Johann Paul Ägidius Schwarzendorf, 1741-1816), qu’on ne confondra pas avec Giovanni Battista Martini (1706-1784), surnommé le « Padre Martini ». D’où l’idée qu’a eue Hervé Niquet, d’abord à l’occasion de l’édition 2018 du Festival de La Côte-Saint-André, puis à la Chapelle Royale de Versailles, le 29 juin 2019, de réunir une messe de Martini, composée en 1811, et la Messe solennelle de Berlioz, postérieure de quelques années.

Les deux œuvres ont été enregistrées sur le vif, lors du concert versaillais ; l’écho de la Messe solennelle a été publié l’hiver dernier (voir O. M. n° 157 p. 73 de janvier 2020), voici maintenant, très logiquement, le Requiem pour Louis XVI de Martini.

Né en Bavière, Martini fait partie de ces nombreux musiciens qui furent attirés par la France. Protégé par la reine Marie-Antoinette, il dut fuir Paris sous la Terreur ; en 1796, il devint inspecteur du Conservatoire nouvellement fondé, et finit Surintendant de la Musique de Louis XVIII.

Sa Messe des morts à grand orchestre, dédiée aux mânes des compositeurs les plus célèbres, sans doute composée en 1811, ne fut créée que quatre ans plus tard, à l’occasion de la translation des dépouilles de Louis XVI et Marie-Antoinette dans la basilique de Saint-Denis ; d’où ce titre de Requiem pour Louis XVI, qui lui fut ensuite donné.

Il s’agit là d’une partition de vaste dimension, à l’inspiration particulièrement riche et variée, avec des passages étonnamment lyriques et presque optimistes, là où l’on attendrait du drame (Quantus tremor, Oro supplex), mais aussi des instants de grande fébrilité (Rex tremendae). Ces ambiances contrastées font de cette messe une œuvre qui suscite et bouscule constamment l’attention de l’auditeur.

Plusieurs moments sont conçus comme de vrais airs : le Domine Jesu Christe pour soprano, agité d’accents amoureux, paraît sorti d’un opéra italien ; le Liber scriptus pour basse, muni d’un accompagnement saisissant de cors et de serpent, instrument familier à la musique d’église de cette époque, n’est pas moins splendide.

Hervé Niquet, dirigeant Le Concert Spirituel, a choisi un effectif choral assez réduit (une quarantaine de voix), mais la prononciation du latin « à la française » (« Sanctuss’ » et non pas « Sâanctouss’ ») ajoute au côté incisif de l’ensemble ; quant à l’orchestre, s’il ne réunit que huit premiers violons, trois contrebasses et le reste en proportion, il est aussi soigneusement enregistré qu’il était disposé dans la Chapelle Royale.

Il y a là, comme on l’imagine, du relief, des couleurs instrumentales crues et un engagement ne nuisant jamais à la précision, jusqu’à l’Amen final dont les accents dramatiques, soulignés par les percussions, couronnent le tout avec une âpre grandeur.

Les trois solistes sont on ne peut plus convaincants, à commencer par Andreas Wolf, dont le timbre assez clair fait merveille (Domine omnipotens). Adriana Gonzalez est, elle aussi, à son affaire, les graves charnus, le vibrato sans excès. Julien Behr est moins sollicité, mais il fait preuve d’un beau lyrisme dans le duo de l’Ingemisco.

Curieusement, car il s’agit d’un Requiem à la mémoire d’un roi guillotiné, ce disque fait entendre également les trois couplets de La Marseillaise, dans l’orchestration de Berlioz, qu’Hervé Niquet avait offerts en bis, à la fin du concert de 2019. Peut-être est-ce une façon de nous dire que le présent enregistrement est presque aussi indispensable que celui de la Messe -solennelle du compositeur français…

CHRISTIAN WASSELIN

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