On serait tenté d’écrire que l’on retrouve, dans ces trois CD, toutes les qualités du concert parisien du 29 mai 2019 (voir O. M. n° 152 p. 73 de juillet-août). La chronologie des -événements inverse, en réalité, la donne, puisque l’enregistrement a été réalisé au cours des jours précédents (du 20 au 28 mai), en studio. Dès lors, on comprend mieux le niveau d’excellence et l’extraordinaire aisance de la plupart des interprètes au Théâtre des Champs-Élysées !

Dans les faits, le studio offre une proximité, une intimité avec les personnages, un équilibre entre les solistes et avec l’orchestre, que l’acoustique du TCE ne permettait que partiellement. Et l’on en apprécie d’autant plus les prouesses de la distribution.

Joyce DiDonato est tout simplement hors classe en Agrippina, et Franco Fagioli se révèle exceptionnel en Nerone. Ils s’installent tous deux au premier rang de la discographie de l’ouvrage. De même qu’Elsa Benoit, beau chant plein de charme et sans mièvrerie, en Poppea.

On admire encore le Narciso de Carlo Vistoli et le Pallante d’Andrea Mastroni (que l’on voudrait entendre un jour en Claudio), ainsi que l’Ottone de Jakub Jozef Orlinski, qui ne faisait pas partie de la distribution parisienne.

Ils ne sont pas si nombreux, les contre-ténors parfaitement à l’aise avec les notes graves et le passage entre les registres. Dans la lignée d’un Gérard Lesne ou, plus récemment, d’un Christophe Dumaux, le jeune chanteur polonais est de ceux-là.

Gianluca Buratto, en Claudio, était la vraie déception du concert. Incarné ici par Luca Pisaroni, l’empereur romain gagne en présence et en relief.

Une distribution d’une telle qualité suffit à faire de cette Agrippina l’un des grands enregistrements de la discographie opératique haendélienne, mais il ne faut pas oublier la part du chef et de son orchestre. Maxim Emelyanychev sait jouer avec les tensions, les contrastes, les silences, et fait d’Il Pomo d’Oro un instrument au service du théâtre.

Il faut encore dire un mot des da capos, superbement réalisés, à base de diminutions, de notes piquées ou de trilles, et de la qualité du texte de présentation, qui explique parfaitement les choix des maîtres d’œuvre, dans une démarche cherchant à proposer une version proche de celle de la création (Venise, 1709).

Une parution essentielle, mais qui ne devra pas enpêcher de garder une oreille pour des devanciers de qualité, tels que René Jacobs (Harmonia Mundi, 2011, avec une étonnante Alex Penda en Agrippina et Bejun Mehta en Ottone), John Eliot Gardiner (Philips, 1997) ou Laurence Cummings (Accent, 2015, avec l’excellent Nerone de Jake Arditti), voire le regretté Jean-Claude Malgoire (Dynamic, 2004, Véronique Gens en Agrippina, Philippe Jaroussky en Nerone) ou Nicholas McGegan (Harmonia Mundi, 1992, avec le bel Ottone de Drew Minter).

PHILIPPE GELINAUD

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