Une fois encore, cette captation, réalisée sur le vif, en 2018, confirme le travail exemplaire mené, depuis plusieurs décennies, par le Festival della Valle d’Itria, à Martina Franca. Chaque été, l’opéra italien y retrouve des sources nouvelles, des sentiers oubliés, des palais engloutis.

La « tragedia per musica », Giulietta e Romeo, de Nicola Vaccai (1790-1848), créée le 31 octobre 1825, au Teatro alla Canobbiana de Milan, ne nous était pas totalement inconnue. On sait que Maria Malibran et plusieurs de ses consœurs aimaient terminer les représentations d’I Capuleti e i Montecchi (Venise, 1830), en substituant le finale de Vaccai à celui de Bellini, composé sur le même sujet, avec le même librettiste (Felice Romani). Finale qu’on avait découvert, en particulier, en complément de l’intégrale des Capuleti réalisée sous la direction de Roberto Abbado, avec Vesselina Kasarova et Eva Mei (RCA/Sony Classical).

Il existait également, sous étiquette Bongiovanni, une intégrale audio réalisée sur le vif, en 1996, à Jesi, de ce Giulietta e Romeo dont l’heure de gloire avait été de courte durée au XIXe siècle. Le Festival de Martina Franca nous le restitue aujourd’hui dans son intense splendeur et, comme Domenico Gatto dans son compte rendu du spectacle (voir O. M. n° 143 p. 48 d’octobre 2018), je n’hésite pas à employer à son propos le terme de chef-d’œuvre.

Tout, en effet, est réuni sur le plateau du Palazzo Ducale pour rendre son éclat à un titre majeur du répertoire italien du « primo ottocento ». La direction de Sesto Quatrini, d’abord, restitue à ces pages leur troublante vibration, en mettant constamment en valeur le raffinement d’une écriture musicale merveilleusement adaptée aux caractères des personnages et aux puissantes situations dramatiques.

Interprètes de très haute volée, que l’on s’étonne de ne pas voir courtisés par les plus grands théâtres de la planète, Leonor Bonilla (déjà remarquée, à Martina Franca, dans Francesca da Rimini de Mercadante) et Raffaella Lupinacci (Arturo, aux côtés de Jessica Pratt, dans Rosmonda d’Inghilterra de Donizetti, à Bergame) incarnent les « amants de Vérone » avec une crédibilité scénique et une aisance vocale qui soulèvent l’admiration.

Les parents de la malheureuse Giulietta trouvent, avec Paoletta Marrocu et Leonardo Cortellazzi, des personnalités parfaitement adaptées à leur emploi. Et si Vasa Stajkic, belle allure mais voix assez ingrate, appelle quelques réserves en Tebaldo, Christian Senn compose un Lorenzo très convaincant. Le chœur, enfin, apporte une contribution non négligeable à la solidité de l’ensemble.

Mais la réussite de ce DVD tient aussi beaucoup à la mise en scène de Cecilia Ligorio et à la manière dont elle a été filmée par Matteo Ricchetti. Grâce aux costumes, aux lumières, aux mouvements des chanteurs, la vie et la mort, l’amour et la haine, le noir et le blanc s’opposent sans trêve sous nos yeux, avec une rare cohérence et en servant au mieux une musique dont on n’en finirait pas de détailler les beautés.

Pour cette raison, on préfèrera la version vidéo à l’audio (2 CD Dynamic CDS 7832.02), en soulignant à quel point ce document est indispensable. Il semble peu probable, en effet, que l’on refilme Giulietta e Romeo de sitôt…

PIERRE CADARS

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