Opera Arias
Faust, Thaïs, Manon Lescaut, Manon, Roméo et Juliette, Il barbiere di Siviglia, Le nozze di Figaro, Hérodiade, Salomé
Orchestre National Montpellier Occitanie, dir. Michael Schonwandt

1 CD Erato 0190295634131

La mode des albums « à concept » a souvent du bon. Pour son premier récital discographique, gravé en studio, en avril 2018, on pouvait craindre qu’Elsa Dreisig nous offre un florilège fourre-tout des airs les plus rabâchés du répertoire. Grâce à Alain Lanceron, président de Warner Classics & Erato, et à Alexandre Dratwicki, directeur scientifique du Palazzetto Bru Zane (par ailleurs auteur de l’excellent texte d’accompagnement), elle nous propose, au contraire, une passionnante confrontation entre les Manon de Massenet et Puccini, les Juliette de Steibelt et Gounod, les Rosina de Mozart et Rossini, les Salomé de Massenet et Strauss, introduite par un face-à-face entre le « miroir » de Marguerite et celui de Thaïs.

Elsa Dreisig expliquant elle-même, dans ce numéro, la composition du programme, nous n’y reviendrons pas, sinon pour insister sur trois points. D’abord que des « tubes » comme « Ah ! je ris… », « Dis-moi que je suis belle », « Adieu, notre petite table », « Una voce poco fa » ou « Porgi, amor », détachés de leur contexte musical et dramaturgique, s’écoutent avec bien plus de plaisir quand on les « recontextualise ».

Ensuite qu’il est toujours payant d’offrir des versions alternatives de ces mêmes « tubes » : la scène finale de Salome ne sonne pas de la même manière en français (le texte original de la pièce d’Oscar Wilde, légèrement retouché et mis en musique par Richard Strauss) qu’en allemand ; et l’air « du poison » de Juliette mérite vraiment d’être entendu dans son intégralité, avec son magnifique cantabile central (« Viens ! ô liqueur mystérieuse »).

Enfin qu’une page ressuscitée en première mondiale, pour peu qu’elle ait une réelle valeur musicale, constitue toujours une cerise bienvenue sur le gâteau : la grande scène extraite du Roméo et Juliette de Daniel Steibelt (1765-1823), opéra créé à Paris, en 1793, soutient sans problème la comparaison avec Lodoïska (1791) et Médée (1797) de Cherubini, également créées au Théâtre Feydeau.

Quant à Elsa Dreisig, on ne sait qu’admirer le plus chez elle, entre la fraîcheur du timbre, la franchise et l’homogénéité de l’émission, la netteté et l’expressivité de la diction, en français comme en italien. L’air « des bijoux » est idéalement radieux, « In quelle trine morbide » ruisselle de sensualité juvénile, « Una voce poco fa » est aussi parfaitement chanté qu’incarné, et « Adieu, notre petite table » émeut sans sensiblerie.

Dans l’absolu, les deux Juliette, les deux Salomé et Thaïs réclament une voix plus ample et plus large. Mais on est en studio, rappelons-le, qui permet des expériences inenvisageables à la scène, pour l’instant du moins. À 27 ans, Elsa Dreisig n’a aucune raison de précipiter le cours des événements et il sera bien temps, la maturité venue, de se mesurer à Salome, Thaïs et Hérodiade dans leur intégralité. Ce que l’on entend dans ce disque autorise, en tout cas, les plus vifs espoirs.

L’Orchestre National Montpellier Occitanie accomplit un sans-faute, rappelant qu’il compte parmi les meilleures phalanges de l’Hexagone. Michael Schonwandt le dirige avec autant de précision que de sens de l’équilibre, offrant à sa jeune interprète un somptueux écrin sonore dans Salome.

RICHARD MARTET

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