Cavalli ne rime pas d’emblée avec « humour », encore que David Alden avait déjà tenté de prouver le contraire, à Amsterdam, en 2009, avec Ivor Bolton à la baguette, transformant sans vergogne Ercole amante (Paris, 1662) en « opera buffa ». En témoigne un DVD, paru l’année suivante, chez Opus Arte.

Valérie Lesort et Christian Hecq vont plus loin dans cette production qui enchanta l’Opéra-Comique, en novembre 2019 (voir O. M. n° 156 p. 53 de décembre), en ajoutant au burlesque une large dose de poésie. Ainsi contée, la passion dévorante d’Ercole pour Iole ne manque pas de sel, à la fois drôle et attachante.

La qualité musicale ? Sous la baguette énergique de Raphaël Pichon, à la tête d’un Ensemble Pygmalion riche en couleurs, elle atteint un niveau d’excellence incontestable. D’autant que la distribution, au sein de laquelle l’Ercole de Nahuel Di Pierro, la Deianira de Giuseppina Bridelli, la Giunone d’Anna Bonitatibus, et le duo de contre-ténors Paggio (Ray Chenez)/Licco (Dominique Visse) brillent particulièrement, est un sans-faute.

L’intérêt du DVD, filmé les 6 et 8 novembre, est de mettre l’accent sur le jeu des chanteurs – l’usage pertinent que François Roussillon fait des gros plans est là pour le souligner –, en même temps que les idées du décorateur (Laurent Peduzzi), de la costumière (Vanessa Sannino) et de l’éclairagiste (Christian Pinaud).

Se situant à la frontière du dessin animé et de la bande dessinée, sans cesse sur le fil du rasoir (en faire trop peu serait inefficace, en faire trop sombrerait dans le ridicule), retrouvant l’esprit de l’opéra à machines en l’adaptant au goût du jour, ce spectacle, véritable travail d’équipe, est un modèle d’intelligence, débordant d’imagination et prodigue en images aussi amusantes que séduisantes.

Ercole et le monstre qu’il tient en laisse à son entrée, Venere, fleur géante, Deianira et sa traîne démesurée, le bébé Eros, grosse tête et petit corps, Pasithea, gouvernante à lunettes, Venere et son avion miniature, en forme d’oiseau rose, le fauteuil végétal, dont les bras tentent de retenir Iole prisonnière, Giunone se déplaçant en ballon, Nettuno sortant d’un petit sous-marin, et l’apothéose finale d’Ercole aux côtés de Bellezza, sont autant d’images que le DVD permet d’apprécier encore mieux que dans la salle.

Au-delà du plaisir esthétique, cette production montre qu’une mise en scène qui se respecte est une véritable vision, révélant une œuvre sous un jour parfois inattendu, mais sans trahir le compositeur, ni le librettiste – derrière la fantaisie, les dieux révèlent ici les mêmes travers que les humains.

Un moment rare de théâtre et de musique, donc un DVD indispensable.

2 DVD Naxos 2.110679-80 & 1 Blu-ray NBD 0118 V

MICHEL PAROUTY

 

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