Christian Gerhaher (Wozzeck) – Brandon Jovanovich (Tambourmajor) – Mauro Peter (Andres) – Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Hauptmann) – Lars Woldt (Doktor) – Martin Zysset (Der Narr) – Gun-Brit Barkmin (Marie) – Irène Friedli (Margret)

Chor der Oper Zürich, Philharmonia Zürich, dir. Fabio Luisi. Mise en scène : Andreas Homoki. Réalisation : Michael Beyer (16:9 ; stéréo : PCM ; Dolby Digital 5.1 & DTS 5.1)

1 DVD Accentus Music ACC 20363

Créée à Zurich, en septembre 2015, la production avait fait grosse impression (voir O. M. n° 111 p. 64 de novembre). Très bien filmé par Michael Beyer, le DVD confirme, valorisant au mieux les deux points forts : mise en scène pertinente et puissante d’Andreas Homoki, admirablement servie par les remarquables décor et costumes de Michael Levine ; et performance de premier ordre du rôle-titre.

Situant l’ensemble dans une sorte de théâtre de marionnettes, dont il propose jusqu’à cinq rangées de cadres, maçonnés d’un crépi d’ocre jaune, ce décor abstrait place Wozzeck sous le signe d’un expressionnisme à la fois bariolé et grotesque, où l’on reconnaît notamment la marque, bien en situation, du Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1920).

Au réalisme se substitue un monde de cauchemar, où se projette, avec une force fascinante, l’« aberratio mentalis » du héros, démultipliant par exemple le Docteur quand il est persécuté par lui, ou encore Marie, dans la seconde scène de l’auberge, après le meurtre.

Se fermant ou, au contraire, s’ouvrant dans la profondeur, se déformant ou basculant sur le côté, ce quintuple cadre, bordant autant d’écrans noirs qui peuvent glisser latéralement, ne cesse de fasciner, avec autant de moments bouleversants, notamment pour la scène de l’assassinat, d’où ressort la tête coupée de Marie, comme dans un tragique théâtre de Guignol.

La réussite est grandiose dans le finale, où les cadres se fondent lentement dans le fond noir, avant que ne vienne s’aligner, toujours derrière un rebord du théâtre, le groupe des enfants, qui sont le modèle réduit des protagonistes.

Au milieu de ces figures terrifiantes, Christian Gerhaher, sous une direction d’acteurs particulièrement fouillée, offre le fort contraste d’un Wozzeck pétri d’humanité, nuançant à l’extrême, tant dans la voix que dans le jeu, tour à tour fragile ou tendre, véhément, inquiétant ou halluciné.

Remarquables performances scéniques aussi de la Marie de Gun-Brit Barkmin, qui assume brillamment son lourd maquillage et sa longue perruque rouge de sorcière, du truculent Tambour-Major de Brandon Jovanovich, du Capitaine d’expérience, au monstrueux bicorne, de Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, du non moins excellent Docteur de Lars Woldt et de l’Andres bien chantant de Mauro Peter.

Seconds rôles sans reproche, orchestre et chœur performants, et direction acceptable de Fabio Luisi, même si elle n’est pas tout à fait au même niveau.

Donnant le modèle d’une production novatrice et constamment inventive, autant que profondément fidèle à l’œuvre, ce nouveau Wozzeck de référence rejoint, dans la tête de la vidéographie, celui de Patrice Chéreau et Richard Peduzzi (Warner) – là où Dmitri Tcherniakov, à Moscou, en 2010, dans le modernisme sordide et glacé (BelAir Classiques) ou Calixto Bieito, à Barcelone, en 2006, dans l’absurde et l’abject (Opus Arte), n’en offraient que des visions partielles ou déformées.

FRANÇOIS LEHEL

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