Comptes rendus Andrea Chénier à Milan
Comptes rendus

Andrea Chénier à Milan

29/01/2018

MILAN Teatro alla Scala, 13 décembre

PHOTO : Yusif Eyvazov (à droite). © TEATRO ALLA SCALA

Yusif Eyvazov (Andrea Chénier)
Luca Salsi (Carlo Gérard)
Anna Netrebko (Maddalena di Coigny)
Annalisa Stroppa (Bersi)
Mariana Pentcheva (La Contessa di Coigny)
Judit Kutasi (Madelon)
Gabriele Sagona (Roucher)
Costantino Finucci (Pietro Fléville)
Gianluca Breda (Fouquier-Tinville)
Francesco Verna (Mathieu)
Carlo Bosi (Un « Incredibile »)
Manuel Pierattelli (L’Abate)
Romano Dal Zovo (Schmidt)

Riccardo Chailly (dm)
Mario Martone (ms)
Margherita Palli (d)
Ursula Patzak (c)
Pasquale Mari (l)

Absent du répertoire de la Scala depuis 1985, avec déjà Riccardo Chailly au pupitre, Andrea Chénier, opéra créé in loco, le 28 mars 1896, méritait d’inaugurer la saison 2017-2018 du temple milanais. Événement décuplé par la présence d’Anna Netrebko – pour sa seconde ouverture de saison après Don Giovanni, en 2011 –, aux côtés de son époux, Yusif Eyvazov, dans le rôle-titre.

La diva russo-autrichienne, en débuts dans le rôle, domine la tessiture de Maddalena avec un instrument plus rayonnant et plus puissant que jamais. Les aigus passent la rampe sans problème et l’on admire sa science des demi-teintes, particulièrement en situation ici. Physiquement, en revanche, la soprano, affublée d’une perruque blonde peu seyante, n’est pas très crédible, surtout au premier acte, où elle doit incarner une jeune aristocrate candide. Mais la beauté de l’artiste, son aisance en scène, compensent plus d’une fois.

Yusif Eyvazov n’évolue pas exactement au même niveau. Doté d’un timbre peu agréable, voire nasal, le ténor azerbaïdjanais fait valoir un aigu facile, mais aussi une ligne de chant assez inconstante. Dans la perspective d’une production aussi exposée, sur le plan médiatique, que l’ouverture de la saison de la Scala, il est évident qu’il a travaillé les nuances et la flexibilité de l’émission. Pour autant, ses grands airs, très correctement chantés, ne soulèvent pas l’enthousiasme et il paraît débordé par son épouse dans le spectaculaire duo final.

Le baryton italien Luca Salsi s’est fait une spécialité de Gérard : le personnage est bien construit, bâti sur de solides moyens vocaux, malgré un excès de rudesse dans l’expression. Dans l’émouvante Madelon, souvent confiée à des cantatrices en fin de carrière, la jeune mezzo roumaine Judit Kutasi, bien grimée, s’impose avec aisance.

Annalisa Stroppa convainc moins en Bersi – rôle, il est vrai, guère mis en valeur dans cette production –, tandis que Mariana Pentcheva apporte du relief à la Comtesse. Les comprimari sont excellents – une mention pour le sonore Mathieu du baryton italien Francesco Verna –, comme il convient dans un théâtre du prestige de la Scala.

La mise en scène de Mario Martone, très dynamique grâce à l’utilisation d’un plateau tournant, ne cherche pas à s’éloigner de la période révolutionnaire, bien au contraire. Du salon aristocratique de la Comtesse – dont les grands miroirs, pendant le divertissement dansé, laissent entrevoir les domestiques se moquant de leurs maîtres –, à la prison du dernier acte, dominée par une guillotine, tous les accessoires traditionnels sont au rendez-vous : drapeau tricolore, bonnet phrygien, buste de Marat… Bref, du « classique », très bien éclairé, de surcroît, et en définitive convaincant.

À la tête d’un chœur et d’un orchestre dans une forme superbe, Riccardo Chailly privilégie une direction à la fois rutilante et chaleureuse, témoin de son indéfectible amour pour une partition qu’il porte à l’incandescence.

JOSÉ PONS

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