Interview Julia Muzychenko – Somnambule à Clermont...
Interview

Julia Muzychenko – Somnambule à Clermont-Ferrand et Vichy

25/11/2021
© ROBAVSKY D

Ayant gagné le rôle d’Amina dans La sonnambula, lors de l’édition 2021 du concours organisé par Clermont-Ferrand et Vichy, la soprano russe le chantera à partir du 23 janvier, d’abord à Clermont Auvergne Opéra, puis à l’Opéra de Vichy, avant de partir en tournée à travers la France.

Alors que tant de jeunes artistes hésitent ou tergiversent, la soprano russe Julia Muzychenko surprend par son courage et sa détermination, sûre de son travail et des choix qu’elle a pris jusqu’à aujourd’hui.

Née à Saint-Pétersbourg, la petite Julia n’a que 5 ans, lorsqu’elle assiste avec ses parents à une représentation du Prince Igor, donnée au Théâtre Mariinsky. Quand arrivent les fameuses « Danses polovtsiennes », l’enfant émerveillée se souvient avoir poussé un cri, en découvrant tout ensemble, sur scène, la musique, le chant, la danse, les décors et les costumes. Se retournant vers sa mère, elle lui demande ce que c’est. « Mais c’est l’opéra », lui répond-elle.

Le choc est tel que la petite, transportée, sait d’instinct que la musique accompagnera sa vie. Encouragée dans cette voie, Julia ne tarde pas à suivre des cours de piano, instrument auquel elle va s’adonner avec passion pendant près de quinze ans, au point d’envisager une carrière de concertiste. L’étude du chant va cependant prendre le dessus, à la faveur d’une rencontre avec un professeur qui la détourne du piano, pour lui enseigner les bases et lui faire découvrir les mystères de ce monde encore inconnu.

Colorature

D’emblée, l’extension de sa voix et sa facilité à atteindre les notes les plus aiguës révèlent sa nature : elle sera colorature. La jeune fille, accueillant avec plaisir la nouvelle, envisage sereinement le répertoire vers lequel sa tessiture va la mener : Nannetta (Falstaff), Olympia (Les Contes ­d’Hoffmann), Norina (Don Pasquale), avant Lucia (Lucia di Lammermoor), Gilda (Rigoletto) ou Violetta (La ­traviata). Elle intègre bientôt le Conservatoire « Rimski-Korsakov » de Saint-Pétersbourg, où elle travaille avec Tamara Novichenko, auprès de laquelle elle consolide sa technique et élargit ses connaissances musicales.

Forte de cet enseignement, Julia Muzychenko fait ses premiers pas au Théâtre Mariinsky dans La Véritable Histoire de Cendrillon de Vladimir Tarnopolsky, où elle tient le rôle-titre, tout en se présentant à des concours de chant. Parmi les nombreuses compétitions auxquelles elle se prête, elle remporte un prix à Busseto, qui lui offre la possibilité de débuter hors de Russie, dans La traviata, pendant la saison 2017-2018.

Remarquée à cette occasion, elle est invitée à Montpellier, en 2019, pour Don Pasquale, une première expérience française réussie, qui devait être suivie par un Falstaff malheureusement annulé, en raison de la pandémie. La soprano est, cependant, à l’affiche du Rigoletto de la rentrée 2021, signé Marie-Ève Signeyrole (voir O. M. n° 177 p. 50 de novembre).

Concours

Installée à Dresde, où elle a intégré la troupe de jeunes du Semperoper, Julia Muzychenko se voit confier plusieurs engagements, tout en poursuivant ses participations à de prestigieuses compétitions. C’est ainsi qu’elle vient d’être lauréate du 27e Concours International de Chant Vichy & Clermont-Ferrand, où elle a présenté des airs et duos de La sonnambula, en prévision d’une production complète, offerte en récompense.

Pas de somme d’argent, en effet, ici, mais l’assurance de faire partie d’un spectacle entièrement travaillé avec des professionnels, programmé sur deux saisons en France, qui prendra fin en mai 2023. La présidente du jury, Katia Ricciarelli, a su prodiguer à la jeune soprano, également lauréate du Prix Jeune Public « Ville de Clermont-Ferrand » et du Prix du Public « Bernard Plantey », de précieux conseils, en termes de construction de carrière et de comportement face aux mises en scène actuelles.

Comment accepter, en effet, des propositions parfois déroutantes et être soi-même en scène ? Déjà confrontée à ce dilemme, Julia Muzychenko se souvient de ses difficultés à accepter de chanter son air d’entrée dans Don Pasquale, en arrivant des cintres. Inquiète de ne pouvoir répondre à cette demande, elle a fini par relever le défi et à en tirer une certaine satisfaction. À Dresde, elle a été contrainte de chanter sur pointes le rôle ­d’Olympia, expérience périlleuse, mais finalement assumée avec adresse.

Rêves

Malgré les longs mois d’arrêt imposés par la pandémie, Julia Muzychenko n’a pas trop souffert, le Semperoper ayant maintenu les répétitions de plusieurs de ses spectacles, ainsi qu’une reprise de Die Zauberflöte (Papagena), à la rentrée 2021. Si l’opéra occupe la majeure partie de son temps, la cantatrice s’intéresse aussi à la mélodie ; elle a d’ailleurs préparé un programme consacré à des pages italiennes de Bellini et Donizetti, qu’elle espère présenter prochainement au public.

Un de ses rêves, en tout cas, va devenir réalité : la jeune artiste abordera, à Marmande, Lakmé, un personnage qui lui tient particulièrement à cœur. Elle sait qu’elle doit pour cela parfaire son français, avant de chanter une autre héroïne de ce répertoire : Manon.

Sur son agenda, en attendant : son premier rôle russe en dehors de son pays, à Francfort, à partir du 5 décembre. Elle remplace sa compatriote Olesya Golovneva, initialement annoncée, en Oksana dans La Nuit de Noël de Rimski-Korsakov, sous le regard de Christof Loy.

François LesueuR

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