Étonnante Lucile Richardot ! Et toujours prête à surprendre. Soliste réputée, la contralto française n’a jamais caché son affection pour la pratique de l’ensemble vocal – on se rappelle, entre autres, sa collaboration avec Sébastien Daucé et Correspondances. Formidable dans Marc-Antoine Charpentier ou Pergolesi, elle ne l’est pas moins lorsque, comme ici, elle cède aux charmes de Luciano Berio (1925-2003). Attention, toutefois, ce disque n’est pas un récital au sens propre, puisque la cantatrice partage l’affiche avec le chœur Les Cris de Paris, fondé et dirigé par Geoffroy Jourdain.

Seule, Lucile Richardot ouvre l’album, gravé en studio, en juin et novembre 2020, avec la fameuse Sequenza III. Maîtrise de la rythmique, de l’intensité, des couleurs, elle passe du cri au chuchotement, du borborygme au mot, avec un aplomb incroyable. Seule, encore, elle délivre, des non moins fameux Folk Songs, une vision de toute beauté, poétique, émouvante – et l’on remarquera la subtilité et la variété de l’instrumentation, qui contribue à créer une séduisante diversité d’atmosphères.

Elle convainc moins dans Michelle II (d’après la chanson Michelle de Lennon/McCartney), sauf erreur arrangée par Guy Boyer, dans les Beatles Arias interprétés par Cathy Berberian, sur un disque publié en France par Fontana, en 1967. Plus chanteuse que diseuse, on regrette que Lucile Richardot semble alors privilégier l’hédonisme vocal sur la simplicité du sentiment.

À Geoffroy Jourdain et ses complices, reviennent les pittoresques Cries of London, dans la version révisée pour huit voix de 1976, hommage aux polyphonies de la Renaissance et aux « abbagnate », chants de marchands siciliens. Puis le bouleversant O King, déchirant dans sa nudité – suite de phonèmes et de syllabes, jusqu’à ce que soit révélé le nom de Martin Luther King. Et enfin, deux brefs morceaux : There is no tune et, surtout, E si fussi pisci, rêveur et amoureux.

Partout, toujours, la musicalité des interprètes (et une précision qui n’apparaît jamais comme une contrainte), l’homogénéité du son, sont impeccables. Tout cela est beau, très beau, presque trop beau, comme si la recherche de la perfection l’emportait sur la spontanéité. Ce qui n’empêche pas ce disque de clamer, haut et fort, l’amour fou du compositeur italien pour la voix.

Une autre de ses qualités, et non des moindres : il est très accessible, y compris pour les oreilles qui pourraient être réfractaires à une musique encore supposée trop « contemporaine » pour certains. Pour Lucile Richardot, pour Les Cris de Paris et Geoffroy Jourdain, il faut l’écouter ; pour Luciano Berio aussi, dont il confirme qu’il est désormais un classique.

1 CD Harmonia Mundi HMM 902647

 

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