Natif de la région très polyglotte du Trentin-Haut-Adige (dite aussi Trentin-Tyrol du Sud), limitrophe de l’Autriche, élève de Wolfgang Holzmair au Mozarteum de Salzbourg, le baryton italien Andrè Schuen s’est fait connaître à Vienne, en 2014, en participant au dernier cycle « Mozart/Da Ponte » dirigé, en concert, par Nikolaus Harnoncourt. Puis, à l’été 2020, son Guglielmo dans le Cosi fan tutte mis en scène par Christof Loy, à Salzbourg, a été regardé sur les écrans du monde entier, avant d’être publié en DVD (voir en page 72 de ce numéro).

Un tempérament suffisamment intéressant pour que Deutsche Grammophon lui fasse signer un contrat d’exclusivité, avec, à 37 ans, l’honneur d’un enregistrement de Die schöne Müllerin. Pour mémoire, un privilège partagé historiquement avec les seuls barytons Dietrich Fischer-Dieskau et Thomas Quasthoff, voire, côté ténors, Ernst Haefliger, Fritz Wunderlich, Peter Schreier, Francisco Araiza, Hans Peter Blochwitz… Donc, pas beaucoup de monde et, de toute façon, du très beau monde.

Quelques doutes, quand même, au début, et puis, bien vite, le constat d’écoute est flagrant : cette version, gravée en studio, en mai 2020, capte l’attention et ne vous lâche plus. La voix est splendide, d’un beau timbre profond, et la technique suffisamment sûre, pour que la surexposition du lied n’y révèle pas de faille, y compris dans quelques passages particulièrement tendus. Et puis, l’intelligence des textes, articulation méticuleuse mais jamais affectée, profération des consonnes allemandes déjouant tous les pièges, est vraiment d’un niveau exceptionnel.

Avec, de surcroît, l’atout d’une véritable juvénilité d’approche, très bien secondée par l’accompagnement du pianiste allemand Daniel Heide, d’abord délibérément métronomique, puis beaucoup plus libre, en inflexions subtiles, à l’affût des émotions. On vit au plus près cette triste histoire d’un jeune amoureux, ardent, puis déçu, et enfin désespéré, jusqu’au suicide.

Sur les vingt pièces du cycle, la première moitié est vraiment idéale. Puis arrivent les passages plus sombres, qui requièrent encore davantage de contrôle et de calibrage que ce qu’Andrè Schuen peut actuellement offrir. À ces moments-là, rien ne vaut l’expérience d’un maître plus mûr, à l’image de Christian Gerhaher (52 ans) ou Matthias Goerne (54 ans).

Mais ce qu’Andrè Schuen va, nécessairement, gagner en rigueur, il le perdra, peut-être, en sincérité. Ici, en l’état, l’équilibre est particulièrement séduisant, à défaut d’égaler les plus grandes références du passé, Dietrich Fischer-Dieskau et Hermann Prey.

1 CD Deutsche Grammophon 483 9558

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