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Disparu à Alger, le 16 décembre 1921, Camille Saint-Saëns entretenait avec cette ville et, plus généralement, le pays dont elle est aujourd’hui la capitale, une étroite relation affective. Pendant près de cinquante ans, il s’est rendu à dix-neuf reprises dans ce qui était alors une colonie française, divisée en trois départements : Alger, Constantine et Oran. Par quoi était-il attiré ? Quelle a été l’influence de ces séjours sur sa production artistique ? Pour quelle raison d’autres musiciens, peintres, sculpteurs ou écrivains ont-ils témoigné d’une fascination identique pour cette terre de contrastes, au cœur du Maghreb ? Autant de questions auxquelles Pierre Cadars apporte des réponses pour Opéra Magazine.

Il y a cent ans, le 16 décembre 1921, à Alger, Camille Saint-Saëns décédait dans sa chambre de l’hôtel Oasis, où il s’était établi douze jours plus tôt. Dès son arrivée, il avait écrit à Reynaldo Hahn, qui dirigeait alors de nouvelles représentations d’Ascanio, à l’Opéra de Paris : « Après une mauvaise traversée, me voici depuis hier dans un pays où il ne fait pas froid. » Une semaine plus tard, reprenant sa plume, il lui disait, en plus de quelques mots aimables : « Ici, nous avons le soleil et une bonne température. » Était-ce donc cette clémence du climat en hiver qui attirait un musicien frileux sur l’autre rive de la Méditerranée ?

Sa vie, depuis une bonne cinquantaine d’années, avait été marquée par une activité incessante, ainsi que par une suite presque ininterrompue de déménagements et de voyages. Déménagements dans Paris déjà, qui lui permettaient pour un temps d’échapper aux sollicitations multiples dont il était l’objet. Voyages, professionnels ou personnels, en France, à travers l’Europe, en Égypte, en Algérie, et jusqu’en Asie du Sud-Est, et même en Amérique du Nord (États-Unis) et du Sud (Argentine, Uruguay, Brésil). Souhaitait-il trouver un havre de paix ou bien partait-il à la recherche d’une inspiration nouvelle ? Qu’attendait-il des nouveaux pays qu’il découvrait ainsi, grâce à l’amélioration continue des transports terrestres et maritimes ?

De toute évidence, l’Algérie, où, depuis 1873, Saint-Saëns s’était rendu à dix-neuf reprises, pour des séjours pouvant aller jusqu’à six mois, occupait une place privilégiée dans sa géographie intime. On peut lire avec quelle conviction il nous fait part du plaisir qu’il ressent à y revenir sans cesse : « Il ne faut pas rester à la ville, si l’on veut goûter le charme de l’Algérie. Il faut prendre la ligne d’Alger à Oran, et voir la campagne. Alors, tout en songeant que chez nous les arbres n’ont plus de feuilles, la terre plus de fleurs, le ciel plus de soleil et plus d’étoiles, on se baigne dans la volupté d’une nature enchantée. Un ciel d’un bleu clair et transparent, d’un bleu que nous ne connaissons pas, surprend et ravit le regard ; parfois s’y montre une tache éblouissante, comme si quelque pinceau trempé de lumière l’avait touché. De tous côtés surgissent les orangers surchargés de leurs fruits d’or ; les blés, les vignes couvrent d’immenses étendues, tout respire la vie, l’abondance, la fertilité d’une terre puissamment nourricière » (École buissonnière. Notes et souvenirs. Éd. Pierre Lafitte, 1913).

Dans ce même article, évoquant sa fréquentation des thermes d’Hammam Righa (à une centaine de kilomètres au sud-ouest d’Alger), il ajoute ceci : « C’est en suivant ce chemin que je suis arrivé dans les montagnes, dans les bois où l’on a trouvé quelquefois des panthères, à l’ombre d’un ancien volcan éteint depuis des milliers d’années et qui distille encore des eaux presque bouillantes, connues des Romains qui savaient en profiter, eaux bienfaisantes où je suis venu me tremper plusieurs fois. Séjour enchanteur, où l’on jouit du silence absolu, si précieux pour le repos et le travail. »

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 170

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