© OPÉRA DE DIJON/GILLES ABEGG

Le 12 février, le compositeur français propose Les Châtiments, nouvelle commande d’un opéra entier par l’Opéra de Dijon, après L’Opéra de la lune, il y a huit ans. Un ouvrage inspiré de trois célèbres nouvelles de Kafka : Le Verdict, La Métamorphose et La Colonie pénitentiaire.

Après la magie rêveuse de L’Opéra de la lune, déjà à Dijon, vous abordez, avec Les Châtiments, l’univers étrange et équivoque de Kafka, à travers trois récits : Le Verdict, La Métamorphose et La Colonie pénitentiaire. Comment ce projet d’opéra, composé sous la forme d’une trilogie, est-il né ?

En octobre 1915, Kafka avait voulu réunir ces écrits dans un recueil qui se serait intitulé Châtiments, mais finalement, l’idée fut abandonnée. Ces nouvelles sont majeures dans son œuvre, et les questionnements qu’elles soulèvent sont d’une stupéfiante actualité. Par l’écriture musicale, j’ai eu le désir de réaliser l’intention de Kafka, en composant sur ces textes énigmatiques, dont la thématique est commune. Les pouvoirs dominateurs, que Kafka dénonce avec force, génèrent un sentiment de culpabilité, de faute chez le sujet, qui le condamne au châtiment. Dès le début du XXe siècle, Kafka annonce, de manière prophétique, la violence dangereuse des idéologies. Mon opéra souhaite se faire l’écho de la puissance de sa pensée, qui a contribué à modeler la critique d’un monde égaré, tel qu’il est aujourd’hui.

De quelle façon ces trois nouvelles se trouvent-elles au cœur de votre démarche de compositeur ?

La matière troublante de ces œuvres, qui enrichit notre perception et notre compréhension du réel, m’a inspiré. Écrit en 1912, et publié l’année suivante, Le Verdict a pour sujet la confrontation entre un père, vieillard devenu sénile, et son fils, négociant prospère. Le père castrateur, qui représente l’interdit, se dresse en ennemi du fils, lorsque celui-ci cherche son approbation en lui annonçant ses fiançailles ; et, pour garder son pouvoir, il est prêt à sacrifier son fils en le poussant au suicide. La haine refoulée réciproque, qui ne peut se résoudre que par la mort, se dévoile soudain. La vie est insupportable et, suivant l’injonction du père, la mort est la seule issue possible. Ce même sentiment haineux se retrouve dans La Métamorphose, écrite également en 1912, et publiée trois ans plus tard. Gregor Samsa, un banal employé à la vie sombre, est la victime pathétique de sa métamorphose en un insecte répugnant. Solitaire, rejeté de tous, réduit à l’état d’ordure, l’échec de sa vie de parasite s’achève par la mort. Apparaissent ici les figures d’hommes déracinés, des étrangers absolus, des maudits, objets d’abjection, de mépris et d’horreur qui nous renvoient aux images tragiques, désormais familières, que la société nous offre aujourd’hui.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 158

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