© SARAH WONG

Du 3 au 22 juillet prochain, le nouveau directeur général du festival d’Aix-en-Provence propose trois nouvelles productions de titres du répertoire (Requiem de Mozart, Tosca, Mahagonny) et trois opéras contemporains (Jakob Lenz, Les Mille Endormis, Blank Out). Il s’explique sur ces choix.

Qu’est-ce qui, à ce stade de votre carrière, vous a donné envie de prendre la tête du Festival d’Aix-en-Provence ?

Cette manifestation dégage des ondes très positives. Elle a une histoire intéressante, touchante, impressionnante, ne serait-ce que parce que le Festival a réussi à survivre pendant plus de soixante-dix ans, dans un climat parfois difficile. J’estime donc qu’il a besoin de gens de qualité, pour veiller sur son destin. D’autant que le modèle économique est ardu, avec seulement 37 % de subventions. Mes hésitations venaient de là : aurais-je les moyens de le transformer de nouveau ? C’est lorsque je ne connais pas la réponse à une question que mon intérêt s’éveille. Et la seule façon d’obtenir cette réponse, c’était de prendre le poste ! J’envisage chacune de mes nouvelles fonctions comme une sorte de Cluedo : il s’agit de prendre du plaisir à essayer de résoudre tous les problèmes, aussi nombreux et compliqués soient-ils. L’équipe du Festival est très sympathique – j’avais déjà eu l’occasion de m’en rendre compte, en travaillant sur plusieurs coproductions avec Amsterdam. Et si je n’avais jamais envisagé d’accepter un poste en France, alors même que le français est ma langue maternelle, cela a fini par arriver ! Les festivals ont un rôle intéressant à jouer dans le développement de l’art lyrique. Et Bernard Foccroulle a ouvert une porte qui a permis à la jeunesse d’entrer dans une manifestation techniquement un peu élitaire, notamment en développant l’Académie fondée par Stéphane Lissner. Il a aussi proposé un axe méditerranéen, pour lequel tout reste encore à faire. Il y avait donc assez d’ingrédients sur la table, pour que je puisse continuer dans la direction déjà impulsée, tout en prenant des virages qui seront à déterminer de manière instinctive, puisque c’est ma façon de travailler.

Qu’est-ce qu’un festival doit apporter à l’art lyrique, par rapport à une maison d’opéra ?

Un festival peut prendre des risques, car son fonctionnement permet à une programmation de voir le jour dans une atmosphère particulière, qui donne à chaque spectacle un caractère événementiel. Par exemple, le Requiem de Mozart, mis en scène par Romeo Castellucci et dirigé par Raphaël Pichon, que nous proposerons cet été, est typiquement un projet de festival. J’ai déjà exploré cette voie au Nationale Opera d’Amsterdam, qui n’est pas un théâtre de répertoire et où plusieurs orchestres alternent dans la fosse, dont certains viennent avec leur chef. De ce point de vue, Aix a le même système. Si j’invite Simon Rattle et le London Symphony Orchestra sur plusieurs années, c’est que je réponds à l’envie d’un artiste, qui développe avec sa formation une relation singulière et va apporter, tant sur le plan musical que théâtral, un esprit qui a sa place dans un festival. À cela s’ajoute un foisonnement que je vais réguler différemment de Bernard Foccroulle. En tant qu’institution publique, nous devons être transparents sur tous les volets de notre activité. À mon arrivée, je me suis retrouvé face à une boule de laine enchevêtrée, à laquelle je ne comprenais pas grand-chose. Les projets« Académie », « Passerelles » et « Méditerranée » permettent de créer des ponts, mais encore faut-il savoir d’où ils viennent, et où ils vont ! J’ai commencé à élaguer, afin que le tronc puisse se renforcer. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que nous publiions deux brochures. Non seulement pour montrer mon attachement aux structures existantes, mais aussi pour clarifier les éléments qui rendent le Festival unique. Je ne sais jamais exactement comment les choses vont se développer, d’autant qu’il faut marier les rêves avec les contraintes financières. On ne trouvera pas davantage d’argent si l’on n’est pas ambitieux, mais on ne pourra pas faire une programmation ambitieuse si l’on n’a pas davantage d’argent…

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 147

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