© JAN VERSWEYVELD

À partir du 7 juin, le metteur en scène belge, depuis toujours fasciné par le thème du pouvoir, fait ses débuts à l’Opéra National de Paris, avec une nouvelle production de Boris Godounov, dans la version originale de 1869, en sept tableaux.

Vous poursuivez dans votre travail, notamment sur Shakespeare, un questionnement sur le pouvoir. Quelle vision Boris Godounov en donne-t-il ?

C’est le thème le plus important du XXIsiècle, où l’on traverse véritablement une crise du pouvoir, et où l’on cherche de nouvelles voies pour gouverner. Le théâtre est là pour donner au public la possibilité de réfléchir, et Shakespeare nous interroge inlassablement sur la question, que j’ai explorée dans deux triptyques : Tragédies romaines et Kings of War. Le second, qui regroupe Henry V, Henry VI et Richard III montre les difficultés d’être roi. Je l’ai monté en 2016, au Théâtre National de Chaillot, où je vais reprendre, à partir du 29 juin, le premier, créé en 2008 autour de Coriolan, Jules César et Antoine et Cléopâtre. De Boris Godounov, j’ai choisi de représenter, en accord avec Vladimir Jurowski, le chef d’orchestre, la première version de 1869 : la plus « shakespearienne », à la fois plus courte, plus personnelle et plus politique que celle de 1872 (créée en 1874). Boris est un tsar, un leader, mais aussi un réformateur. Désireux de rompre avec le système héréditaire, il veut être élu par le monde politique et religieux, mais surtout par le peuple, pour obtenir le soutien de la Russie tout entière dans son œuvre de transformation.

Quels autres échos l’opéra de Moussorgski trouve-t-il dans le monde actuel ?

Le « vrai » Boris Godounov a véhiculé des valeurs très modernes. Il a beaucoup œuvré pour l’éducation, en créant notamment des universités, et il a transformé la Russie, tant sur le plan économique que social. Dans l’opéra, ce réformateur démocratiquement élu nous est montré rongé par la culpabilité : il a tué le successeur désigné par le système héréditaire, un enfant, en plus. On ne peut commettre un meurtre, même pour le bien d’une nation. Pimène s’empare de ce crime pour la chronique qu’il rédige ; le moine se montre à la fois nationaliste et populiste, car il sait le coup fatal que ses révélations porteront au pouvoir. Au drame intime du monarque se superpose celui d’un peuple qui souffre. Dans cette première version, il est passif, il attend. L’erreur de Boris est de ne pas communiquer avec lui, sauf pendant la scène du couronnement. Boris, en définitive, est un tsar sans puissance.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 140

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