Isabel Bayrakdarian et Marcello Giordani au Metropolitan Opera de New York (2003). © METROPOLITAN OPERA/KEN HOWARD

Créé à l’Opéra de Paris (Salle Le Peletier), le 10 septembre 1838, Benvenuto Cellini y connut un échec retentissant, la première scène lyrique française ne l’affichant plus entre 1839 et 1972 ! Nouvelle éclipse entre 1972, au Palais Garnier, et 1993, date de l’ultime reprise à l’Opéra Bastille, sous la baguette de Myung-Whun Chung. C’est dire l’impatience avec laquelle on attend le retour à la Bastille de ce chef-d’œuvre, aussi fascinant que difficile à monter, à partir du 20 mars. Présentée pour la première fois à l’English National Opera, en 2014, vue ensuite à Amsterdam, Barcelone et Rome, la production de Terry Gilliam, ex-Monty Python, aura pour principal interprète John Osborn, sous la baguette de Philippe Jordan. Ténor et chef sont essentiels dans cet ouvrage, créé par le légendaire Gilbert Duprez, comme en témoigne l’analyse des témoignages discographiques laissés depuis 1952.

Benvenuto Cellini est rarement à l’affiche des théâtres lyriques, en raison notamment de l’état dans lequel Berlioz lui-même a laissé sa partition. Les enregistrements de l’œuvre trahissent le même désarroi, même si l’édition Bärenreiter, parue en 1996, permet d’y voir plus clair au sein des différentes versions. Rappelons que, jusqu’à une époque récente, seule était disponible l’édition Choudens, condensée en trois actes, dite « de Weimar », mise au point par Berlioz et Liszt fin 1852, reprise à Londres (Covent Garden), en 1853, et de nouveau à Weimar, en 1856. Ce sont les Anglais, et notamment le musicologue Hugh Macdonald, qui, dans les années 1960, firent les recherches nécessaires pour revenir au découpage original de 1838, en deux actes, de deux tableaux chacun.

Ce travail, fondamental pour notre connaissance de Benvenuto Cellini, resta longtemps à l’état de chantier, jusqu’à ce que Bärenreiter édite une partition qu’on peut tenir pour définitive, laquelle propose trois versions : Paris 1 (l’ouvrage tel que Berlioz le soumit à l’Opéra de Paris, en vue des répétitions qui aboutirent à sa création, le 10 septembre 1838), Paris 2 (la partition telle qu’elle fut recopiée à l’Opéra, après les nombreuses modifications au cours des répétitions et des représentations) et Weimar. Partition, toutefois, qui oblige à choisir et rend possibles – et souhaitables – des micro-choix au sein de chacune de ces versions, Berlioz n’ayant jamais dit son dernier mot à propos de son opéra.

Chronologiquement, les deux premiers enregistrements n’ont pas été faits en langue française. Le premier, daté de 1952, nous vient de la Radio autrichienne ; d’où une prise de son acceptable, mais qui met exagérément les solistes en valeur. Il s’agit là de la version de Weimar, comme on peut l’imaginer, mais avec des coupures innombrables, qui font de ce Benvenuto une suite de morceaux choisis dépourvue d’énergie dramatique, au point que les deux disques peuvent également contenir Les Nuits d’été (par Eleanor Steber et Dimitri Mitropoulos) ! Mais restituent-ils l’intégralité de la soirée ?

L’intérêt de la langue allemande n’est pas qu’anecdotique : quand Benvenuto fut donné à Weimar, en 1852 et 1856, on chantait en allemand et, à cet égard, la version de Weimar en français, mise au point par Bärenreiter, n’est qu’un compromis. Aujourd’hui, cette traduction paraît toutefois exotique : Balducci devient un nouvel Osmin, Teresa une nouvelle Agathe, etc.

Mais si l’ensemble manque de légèreté, c’est avant tout en raison de la direction déconcertante de Kurt Tenner. Car, malgré quelques beaux moments (le « Chant des ciseleurs »), le tout s’étire interminablement, avec une Ouverture dont la fin ressemble à une Symphonie de Bruckner dirigée en état d’ébriété.

Côté solistes, on notera le sérieux de Gerhard Brichta en Fieramosca, la noblesse de Barbara With en Ascanio, et surtout la belle santé de Fritz Uhl qui, plus tard, sera Siegmund à Bayreuth et Tristan dans l’enregistrement de Georg Solti (Decca). Ici, à 24 ans, le ténor autrichien se promène dans le rôle-titre avec une sorte d’insouciance naïve, même s’il est contraint de n’en donner qu’un aperçu. Sa « Romance », réduite de moitié, est un moment de grâce exquise, et l’air « Sur les monts », considérablement raccourci, sonne comme un aimable lied. Des douceurs fort peu acidulées.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 137

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