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© FRANCK JUERY

Avec son Concert de la Loge, fondé en 2015, le violoniste et chef d’orchestre français ressuscite Chimène ou Le Cid de Sacchini, à Saint-Quentin-en-Yvelines, le 13 janvier, puis Phèdre de Lemoyne, à Caen, le 27 avril, deux partitions oubliées du règne de Louis XVI.

Lorsque vous avez fondé Le Concert de la Loge, en 2015, quel était votre but ?

Après dix ans avec Le Cercle de -l’Harmonie, qui explorait une période musicale dite « classique », celle des années 1770-1800, j’avais dans l’idée d’élargir ce champ d’action dans les deux sens, vers le baroque, celui de Telemann, de Haendel, de Vivaldi, et vers le romantisme. Sans perdre de vue que, pour les débuts de l’orchestre, il fallait choisir des ouvrages qu’une formation indépendante avait les moyens d’aborder – il n’était pas question des grandes partitions de Berlioz ou du Giulio Cesare de Haendel.

Pourquoi avez-vous choisi ce nom, très connoté, donc difficile à porter ?

Le premier orchestre portant ce nom a été fondé en 1783 ; son répertoire me semblait constituer un terreau musical important, car cette période de la fin du règne de Louis XVI est captivante et ne me semble pas avoir été suffisamment traitée par les musicologues. Relever ce nom, c’était en même temps honorer les musiciens de cette formation, dont certains comptèrent parmi les premiers professeurs du Conservatoire de Paris, créé en 1795, et honorer également tous les compositeurs ayant écrit pour elle.

Votre idée était-elle aussi de remettre en question la forme traditionnelle du concert, telle qu’elle existe encore aujourd’hui ?

En effet. Celle-ci me paraissait trop rigide et peut-être en train de se scléroser ; elle a fait ses preuves, certes, dans le passé, mais est-elle vraiment adaptée à un public d’aujourd’hui, qui aime la diversité, qui a besoin qu’on instaure un vrai dialogue avec lui, qui ne va plus au concert les yeux fermés, comme s’il assistait à une cérémonie religieuse ? Nous voulions revenir vers une sorte de spontanéité, de liberté. C’est comme si un nouveau cycle s’ouvrait, ramenant certaines habitudes qui étaient celles des mélomanes d’une époque lointaine, avant la forme imposée par le XIXe siècle. C’est ce que nous avons tenté dans des programmes comme celui que nous avons donné Salle Gaveau, en novembre 2015, avec Sandrine Piau en soliste, qui proposait des pages de Haydn, Mozart, Rigel, Sarti, Johann Christian Bach…

Vous êtes-vous donné des limites dans votre répertoire ?

J’ai parlé plus haut du baroque. Pour illustrer l’autre extrémité de nos choix, je citerai un autre projet avec Sandrine Piau, autour de mélodies de Massenet, Gounod, Saint-Saëns, Dubois, dont le thème sera l’érotisme. Toutes ont été orchestrées par les compositeurs eux-mêmes. Elles sont, bien sûr, destinées à des effectifs instrumentaux réduits, mais chacune d’entre elles a une couleur particulière : deux clarinettes pour l’une, une flûte piccolo pour l’autre… Je dirige du violon ; là encore, c’est un retour vers une tradition ancienne, puisque la notion de chef d’orchestre, telle que nous la connaissons, date du XIXe siècle. À partir du moment où il n’y a pas de chef, les règles d’écoute, d’engagement, de responsabilité des musiciens sont différentes ; le pouvoir est éclaté et réparti entre les membres de l’ensemble, pour que l’œuvre soit jouée de la meilleure façon possible.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 124

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