Découvrir l'opéra Iris, le chef-d’œuvre méconnu de Mascagni
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Iris, le chef-d’œuvre méconnu de Mascagni

24/06/2016
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Bien sûr, il y a Cavalleria rusticana, acte fondateur du vérisme musical, modèle de concision et d’efficacité « coup de poing ». Mais ce serait une erreur de réduire la production de Pietro Mascagni à son premier triomphe, sans jeter une oreille attentive à des opéras tels que Guglielmo Ratcliff ou Parisina, qui témoignent d’une remarquable capacité de renouvellement stylistique. Un titre se détache de tous les autres : Iris, succès public à sa création romaine, le 22 novembre 1898. Le Festival de Radio France et Montpellier, le 26 juillet, redonne sa chance à ce joyau « japonisant » et morbide, pétri de symbolisme, dont le langage se distingue par une délicatesse et un raffinement extrêmes. Pas d’Iris sans une soprano charismatique : succédant à Hariclea Darclée, Rosina Storchio, Elisabeth Rethberg ou Magda Olivero, on attend tout de la bouleversante Sonya Yoncheva.

Une heure et quart : c’est à peu près le temps qu’il fallut à un compositeur de 27 ans pour devenir célèbre, le 17 mai 1890, au Teatro Costanzi de Rome. Jusqu’à sa mort, cinquante-cinq ans plus tard, Pietro Mascagni (1863-1945) resta, aux yeux du monde entier, l’auteur d’un opéra en un acte, ayant apporté une bonne rasade de sang neuf dans un genre lyrique encore marqué par l’héritage romantique. Concision, violence, enracinement social et géographique, caractères bien marqués constituèrent la nouveauté, et pour certains le scandale, de Cavalleria rusticana, « melodramma » librement adapté d’une pièce de Giovanni Verga. Le terme de « vérisme » s’imposa aussitôt, servant, avec une bonne part d’inexactitude, de marque de fabrique aux compositions musicales venues après ce coup d’éclat. Dans un même sac furent ainsi réunies des personnalités fort différentes, dont le seul point commun était d’être d’origine italienne et de venir après Verdi.

Plus encore que Puccini, Zandonai, Giordano, ou même Leoncavallo (dont Pagliacci fut très tôt rapproché de Cavalleria), Mascagni a grandement bénéficié – mais aussi pas mal souffert – de son premier succès. Tous ses biographes se plaisent à rappeler combien il se plaignait d’être « crucifié par les critiques aux vengeances de Santuzza et d’Alfio » (« inchiodato dai -critici alle vendette di Santuzza e di Alfio »). De fait, si l’on s’attache à suivre sa carrière dans l’ordre chronologique, force est de reconnaître un besoin impérieux de se renouveler sans cesse. On le remarque, surtout, dans les années suivant immédiatement Cavalleria rusticana. L’amico Fritz (Rome, 1891) est une œuvre fraîche et sentimentale, qui a pour cadre un village alsacien. I Rantzau (Florence, 1892) et Guglielmo Ratcliff (Milan, 1895) sont des drames aux forts accents romantiques. Silvano (Milan, 1895) marque un retour temporaire au vérisme, avant Zanetto (Pesaro, 1896), petite pièce psychologique dans l’air du temps. Notons au passage que ce parcours accéléré, à partir de textes d’Erckmann-Chatrian, Heinrich Heine ou François Coppée, prouve que l’horizon du musicien, par ailleurs fervent admirateur de Wagner, ne se limitait pas à la seule Italie unifiée, et que, comme nombre de ses confrères, ses regards se tournaient volontiers vers l’Allemagne et la France.

Ses activités continues de chef d’orchestre, jusqu’en Russie et aux États-Unis, confirment l’ouverture d’esprit de Mascagni, déjà évidente lorsqu’il était étudiant au Conservatoire de Milan, avec Puccini. Avant de connaître le succès, n’avait-il pas composé une opérette (Il re a Napoli, 1885), des pièces sacrées et des romances ? On reste étonné devant la diversité de ce parcours et ces constants changements de cap. Faut-il y voir une marque d’inquiétude ou de boulimie ? Mascagni fut-il un créateur habile qui, dans une fin de siècle passablement tourmentée, sut flairer le vent d’une mode changeante, ou plutôt un explorateur insatiable ? Ceux qui l’ont connu s’entendent pour dire que cet homme, qui « travaillait pour dix et bavardait pour cent », était tour à tour expansif et mélancolique, toujours prêt à se quereller avec les éditeurs, les librettistes et les chanteurs.

Ces traits de caractère ne firent que s’accentuer lorsque, toujours porté par la renommée de Cavalleria rusticana, le musicien rencontra de plus en plus de difficultés pour s’imposer sur des terrains nouveaux. Entre Le maschere (créé dans sept grandes villes italiennes, les 17 et 19 janvier 1901) et Nerone (Milan, 1935), sept ouvrages lyriques, aux caractères fort différents, virent néanmoins le jour. Retenons, en particulier, Parisina (Milan, 1913) et Lodoletta (Rome, 1917) qui, à eux seuls, vaudraient déjà à leur auteur une estime durable.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 119

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