À partir du 19 avril, au Théâtre Graslin, le compositeur français propose Maria Republica, opéra pour sept chanteurs, quinze musiciens et électronique, sur un livret de Jean-Claude Fall, tiré du roman éponyme de l’écrivain d’origine espagnole Agustin Gomez-Arcos.

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© GABRIEL MARTINEZ

Maria Republica est une aventure au long cours…

Vingt-cinq ans de compagnonnage ! C’est un libraire qui m’a conseillé le roman d’Agustin Gomez-Arcos, paru en 1983. Intuitivement et rationnellement, j’y ai vu un sujet d’opéra, d’autant que le livre avait été précédé par une pièce. J’ai rencontré l’auteur, j’ai ébauché avec lui un livret, mais je manquais d’expérience… et Gomez-Arcos n’a jamais réussi à remettre la main sur sa pièce ! Quelques années après sa mort, survenue en 1998, j’ai parlé du roman avec Daniel Kawka, qui s’est empressé de le lire et de le prêter à Jean-Paul Davois, directeur général -d’Angers Nantes Opéra. Enthousiaste, celui-ci m’a proposé d’en faire un opéra. Restait la question du livret.

C’est-à-dire, d’une certaine manière, de la pièce fantôme…

Oui et non. J’ai demandé à Jean-Claude Fall, qui connaissait les œuvres de Gomez-Arcos et avait signé beaucoup d’adaptations, de se charger du livret. Il reste persuadé que cette pièce a été écrite, puis perdue ; pour ma part, j’ai des doutes sur son existence même. Des amis de Gomez-Arcos, à Madrid, m’ont expliqué que, dans l’ordinateur récupéré après sa mort, il y avait bien un dossier « Maria Republica »… mais vide ! Le mystère reste entier.

Un couvent en Espagne, de la violence, des passions équivoques : on pense à The Monk (Le Moine) de Matthew G. Lewis (1796). Avez-vous souhaité faire un opéra gothique avec cette histoire, située dans la période franquiste, de Maria, une prostituée syphilitique, envoyée dans un couvent où la Révérende Mère, atteinte de la même maladie, essaie de l’entraîner sur le chemin de la repentance ?

C’est plutôt un opéra mystique. Mystique et antidogmatique. J’ai fait mienne cette phrase de Buñuel : « Dieu merci, je suis encore athée ! » L’action évoque tous les fanatismes, de l’Inquisition à Daech, et, grâce à la musique, il y a plus d’ambiguïté encore dans les personnages de l’opéra que dans ceux du roman. On y reconnaît aussi des immémoriaux : le thème du double, ou encore celui des trois sœurs et des trois frères, comme dans Die Zauberflöte ou Turandot. Dans ce contexte, Rosa, la novice, serait un peu ma Liù, même s’il n’y a pas la même dimension sacrificielle dans Maria Republica. La violence et le sacré, on les trouve aussi dans le rôle du Christ sauvage, à propos duquel Gomez-Arcos dit en substance : on prend un pauvre dans la rue et on le met sur une croix, pour que la situation soit plus vraie. Dans l’opéra, je l’ai élargi, j’en ai fait le double que je viens d’évoquer, puisque le chanteur auquel il est confié interprète aussi le personnage de Modesto, le frère de Maria.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 116

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