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Renata Scotto

25/02/2015

L’illustre soprano italienne fête son 80e anniversaire, le 24 février. Retirée des planches depuis 2002, elle n’en poursuit pas moins une carrière active, entre mise en scène et cours de chant.

92_anniversaire_-_Renata _ScottoVous semblez avoir su très tôt que vous seriez cantatrice…
Je suis née à Savone, dans une famille simple ; mes parents n’étaient pas musiciens, mais du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé chanter. Ma mère, couturière, travaillait à la maison, et quand j’étais près d’elle à l’aider, elle me disait : « Chante, Renata, chante ! Quand tu chantes, tu es si heureuse ! » Bien sûr, ce n’était pas de l’opéra, mais des chansons que j’entendais à la radio, notamment par Beniamino Gigli, mon idole. Mon oncle Salvatore, en revanche, était très mélomane. C’est lui, voyant mon amour de la musique, qui m’a emmenée, pour la première fois, à l’opéra. C’était au Teatro Chiabrera : j’avais 12 ans, et on donnait Rigoletto avec Tito Gobbi. Si longtemps après, sa voix résonne encore à mes oreilles ! Un vrai choc, et la découverte d’un monde incroyable, fait de musiques sublimes et, en même temps, si immédiatement accessibles… Sur le chemin du retour, ma conviction était faite, je serais cantatrice ! Évidemment, je ne pouvais pas imaginer que, bien des années plus tard, je chanterais Gilda aux côtés de Gobbi : une des plus grandes émotions de ma vie ! En 1948, je suis allée à Milan, accompagnée de ma mère et de ses cinq sœurs, afin de prendre l’avis d’un professeur renommé, le baryton Emilio Ghirardini. À 14 ans, je faisais encore si gamine qu’il a eu du mal à croire que ce n’était pas une de mes tantes, belle et grande, qui voulait auditionner ! Ne doutant de rien, j’avais préparé « Stride la vampa ! » d’Il trovatore – je me croyais mezzo à l’époque. Le verdict du maestro a été que j’avais indéniablement une voix mais que, pour le moment, je devais retourner à mes poupées, et revenir le voir dans deux ans… C’est ce que j’ai fait : à 16 ans, je suis entrée dans sa classe. Mais, assez vite, le doute sur ma vraie tessiture s’est installé. Lors d’une audition, j’ai à nouveau chanté Azucena, mais aussi Aida, et on a demandé au public s’il me préférait en mezzo ou en soprano… Il a répondu : « Soprano ! »

Vos débuts sur scène ont eu lieu deux ans après, en Violetta, dans ce même théâtre où vous aviez découvert l’opéra…
C’est exact. Je lis souvent que j’ai débuté à Milan, en 1953, au Teatro Nuovo. En fait, en 1952, j’ai remporté le Concours de l’Association Lyrique de Milan, dont le Premier prix consistait à faire mes débuts, l’année suivante, dans un rôle à choisir. J’ai opté pour Violetta. Pour m’y préparer, mon oncle a réussi à convaincre le Teatro Chiabrera de m’offrir une série de représentations de La traviata, sans cachet. Mes tout premiers pas sur scène n’ont donc pas eu lieu à Milan, en juillet 1953, mais quelques mois plus tôt, le soir de Noël 1952, à Savone. Le rôle de Violetta est très beau, mais aussi très difficile ; et, à 18 ans, je n’avais qu’une vague idée de ce que signifiait incarner véritablement un personnage… Mais, forte de ma solide préparation vocale, j’ai chanté de tout mon cœur devant une salle bourrée à craquer, venue applaudir l’enfant du pays !

Dès 1953, vous abordez le rôle-titre de Madama Butterfly, toujours au Teatro Chiabrera, puis faites vos débuts à la Scala de Milan, en Walter dans La Wally d’Alfredo Catalani, pour la soirée d’ouverture de la saison, le 7 décembre !
Aborder Cio-Cio-San, à 19 ans seulement, était une folie ! Heureusement, j’avais été très bien préparée par la grande Mafalda Favero. Quant à la Scala, apprenant que des auditions avaient lieu pour les seconds rôles de La Wally, le spectacle d’ouverture de saison, j’ai présenté l’air du jeune Walter et j’ai été prise. J’ai donc pu figurer aux côtés de Renata Tebaldi, Mario Del Monaco et Giorgio Tozzi, sous la direction de Carlo Maria Giulini… Au départ, le metteur en scène ne voulait pas que Walter soit chanté par une femme ; c’est pourtant ce qui est écrit sur la partition ! Avec cette Wally, en tout cas, ma carrière était ­désormais lancée.

Une rencontre très importante pour vous a été Mercedes Llopart, qui vous a fait recentrer votre répertoire sur le bel canto…
En effet, à partir de 1954, je me suis mise à chanter de plus en plus, et toutes sortes de rôles, dont certains fort lourds : Cio-Cio-San et Violetta, comme je l’ai dit, mais aussi Nedda, Liù… Je chantais sans m’économiser, en suivant simplement mon instinct. Et, très vite, j’ai commencé à avoir des problèmes avec mon passage vers la voix de tête, à avoir peur de certains aigus, à en rater même parfois… Ma chance a été d’avoir pour partenaire, lors d’une série de représentations de La traviata, Alfredo Kraus, qui m’a conseillé d’aller voir son professeur, la soprano ­espagnole Mercedes Llopart. Après m’avoir écoutée, elle a été formelle : je devais réapprendre à chanter ! Alors, j’ai tout repris à zéro, en ne faisant d’abord que des vocalises, et peu à peu, j’ai retrouvé la sûreté des aigus, et même l’agilité que j’avais perdue. Avec Mercedes Llopart, j’ai vraiment appris à « penser » ma voix comme un instrument, et aussi à pouvoir me reposer sur la technique en toute circonstance : utiliser mon souffle, soutenir chaque note, gérer les passages de registre en les gommant… Elle m’a aussi ouvert les portes de tout un répertoire, le bel canto romantique, auquel elle m’a ordonné de me consacrer pendant au moins dix ans : Adina, Norina, Amina, Elvira d’I puritani et Lucia, évidemment.

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