Familier depuis longtemps de l’univers de l’opéra, le fameux couturier s’attaque aux Pêcheurs de perles, avec la complicité de Vincent Boussard à la mise en scène. Première à Strasbourg, le 17 mai, avant Mulhouse, le 7 juin.

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En tant que costumier, comment vous intégrez-vous dans une production ?
Je suis là pour obéir aux désirs du metteur en scène, j’arrive après ses réflexions. C’est une position qui me plaît ; contrairement à ce que l’on peut penser, elle n’est pas passive, je suis quelqu’un à qui on confie une mission et qui est heureux de l’accomplir.

Pour ces Pêcheurs de perles, vous avez donc travaillé en très étroite collaboration avec Vincent Boussard…
Je le connais bien, nous avons œuvré ensemble à plusieurs reprises, pour Agrippina à Berlin, Don Giovanni à Innsbruck, Maria Golovin à Marseille, Le nozze di Figaro au Festival ­d’Aix-en-Provence… Le charme vient des rapports qui se créent entre l’équipe de production et les interprètes ; disposer de gros moyens n’est pas une joie supplémentaire.

Quelle sera votre vision de ces Pêcheurs ?
La première approche de Vincent était très contemporaine : il situait l’action dans l’Inde de nos jours, dans un cimetière de bateaux sordide, là où les navires hors d’usage sont mis en pièces. Un jour, il m’a appelé et m’a dit : « J’ai tout changé. Notre mise en scène sera centrée autour de Bizet amoureux, de la rivalité entre un compositeur et un ténor pour les beaux yeux d’une cantatrice. » Nous sommes donc revenus en plein XIXe siècle, à l’époque de la création des Pêcheurs de perles, en 1863. Le décor de Vincent Lemaire représentera un théâtre à l’italienne vu en coupe ; pour les choristes, on m’a demandé de penser aux dessins de Daumier. Je sais que, sur le plateau, il y aura aussi un piano, celui sur lequel Bizet compose.

Quels costumes avez-vous imaginés ?
Au début, les protagonistes seront des spectateurs vêtus de noir, dans des toilettes 1860. L’orientalisme ne sera pas complètement oublié ; la seconde partie s’inspirera des premières photographies que l’on a conservées de l’Inde. Le bas des costumes ne changera pas ; en revanche, les femmes seront drapées dans des saris et non plus dans des capes, et les hommes porteront turbans et bijoux. Nous sommes en train de résoudre le problème des chaussures : à un moment donné, une mince couche d’eau doit envahir une partie du plateau, et nous devons reproduire des modèles d’époque en caoutchouc. Comme je viens de vous le dire, le noir sera la couleur dominante, mais un noir brillant, un peu scintillant. Je fais confiance à Guido Levi pour savoir l’éclairer ; il règle toujours ses lumières comme un musicien, et le résultat est superbe.

Comment choisissez-vous parmi toutes les propositions que vous recevez ?
Il m’arrive de décliner des offres ; si l’on me demande d’habiller les chanteurs en jeans et en tee-shirt, je refuse, on n’a pas besoin de moi pour ça. C’est vrai que je ne suis pas très attiré par les mises en scène trop contemporaines, encore qu’il ne faille pas systématiser. Je vais toujours voir les stocks de vêtements et de tissus anciens. Je pense souvent au temps où chacun arrivait avec ses propres costumes.

Vous aimez donc vous livrer à une sorte de « recherche du temps perdu »…
Je n’oublie jamais l’enfant que j’ai été. Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours eu en tête l’idée du spectacle, qu’il s’agisse du théâtre ou du cinéma. La mode l’a emporté, mais j’ai réalisé mon rêve lorsque Jean-Luc Tardieu, qui était alors directeur de la Maison de la Culture de Loire-Atlantique, à Nantes, m’a commandé les costumes de Chantecler d’Edmond Rostand.

Quelle place la musique occupe-t-elle dans votre vie ?
J’ai aimé l’opéra très tôt grâce à l’un de mes grands-pères, qui, en homme du Sud, était un mélomane féru d’ouvrages ­italiens ; il m’emmenait souvent avec lui, y compris dans les festivals proches, Aix-en-Provence, Orange. J’ai fait mes débuts « lyriques » aux Arènes de Nîmes, avec une Carmen que mettait en scène Antoine Bourseiller. Je n’ai pas d’univers musical très précis, je suis branché sur France Musique dès mon réveil, mais j’aime bien l’art lyrique italien et j’ai été littéralement intoxiqué par Richard Strauss. Si l’on m’engageait pour Ariadne auf Naxos, j’accepterais avec enthousiasme !

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