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Haendel : Il trionfo del Tempo e del Disinganno

20/06/2017

Sabine Devieilhe (Bellezza) – Franco Fagioli (Piacere) – Michael Spyres (Tempo) – Sara Mingardo (Disinganno)

Le Concert d’Astrée, dir. Emmanuelle Haïm. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski. Réalisation : Stéphane Metge (16:9 ; stéréo : PCM 2.0 ; Dolby Digital 5.1)

1 DVD Erato 0190295819361

Est-ce la fraîcheur, le froid même, de la nuit aixoise qui, le 14 juillet 2016, avait ainsi raidi le geste d’Emmanuelle Haïm – mais pas un Concert d’Astrée en état de grâce ? La captation atténue, voire efface, ce défaut, seule et unique réserve suscitée par un spectacle dont les dernières minutes, suspendues dans l’éternité de « Tu del Ciel ministro eletto », nous avait laissé les yeux noyés de larmes (voir O. M. n° 120 p. 29 de septembre).

Les micros, comme la caméra extraordinairement mobile et subtile de Stéphane Metge, sont d’ailleurs parvenus à restituer cette émotion, en la concentrant, la magnifiant même, jusqu’à la rendre plus palpable encore que dans l’ici et maintenant de la représentation.

Dans le programme de salle, Krzysztof Warlikowski criait au scandale face à « une pure œuvre dogmatique », dans laquelle « coule le sang de la domination ». Posture d’artiste torturé ? Quelle importance, dès lors que cet oratorio allégorique et moralisateur, célébrant, comme son titre l’indique, le triomphe du Temps et de la Désillusion, lui inspire un hymne à la Beauté sacrifiée !

Rythmes haendélien et warlikowskien se confondent dans une succession de tableaux qui sont autant de vanités modernes, peuplées de fantômes cinématographiques – d’Orson Welles, auquel Tempo emprunte sa stature, à ce ragazzo pasolinien, incarné par le troublant, quasi toxique, Pablo Pillaud-Vivien, dont la mort hante Bellezza. Miroir terrifiant et sublime, dans lequel se reflète un quatuor de solistes tout bonnement sensationnel.

Le Tempo de Michael Spyres ne se résume pas, loin s’en faut, à l’ambitus inouï qu’une ornementation ébouriffante l’autorise à déployer. Car le ténor américain sculpte les mots, les phrases, avec une féroce intensité qui, dans « Urne voi », glace le sang. De même que la contralto italienne Sara Mingardo module, à travers les reliefs d’un souffle infini, le velours de son timbre envoûtant de mère de douleur, avec une clairvoyance à laquelle la bouche de Disinganno confère une insidieuse cruauté.

Sans doute faut-il se résoudre à ne pas saisir la moindre syllabe de Piacere, pour s’abandonner à la jouissance que procure le bel canto surnaturel du contre-ténor argentin Franco Fagioli, qui semble jouer d’un mimétisme presque malsain avec Cecilia Bartoli – pour mieux s’en distinguer ? Et puis, il y a la soprano française Sabine Devieilhe, Bellezza à la fois funambule et charnelle, dont la lumière ductile, portée à incandescence par une sensibilité musicale et théâtrale rare, touche l’âme.

MEHDI MAHDAVI

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