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À partir du 19 mai, le compositeur russe propose à Lyon GerMANIA, opéra dont il a lui-même écrit le livret, en deux langues, d’après des textes du célèbre dramaturge allemand Heiner Müller, disparu en 1995.

Après Mikhaïl Boulgakov, avec Cœur de chien, vous vous tournez vers Heiner Müller, pour ce nouvel opéra. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?

Serge Dorny, directeur général de -l’Opéra de Lyon, m’avait suggéré de lire Germania – Mort à Berlin et Germania 3 – Les Spectres du Mort-homme. Je confesse que jusque-là, je ne connaissais pas Heiner Müller, dont j’ai aussitôt apprécié le style si affûté. Mon passé soviétique a trouvé un écho direct dans cette langue qui se rapproche tant de la satire des slogans politiques ; après une carrière de chirurgien, mon père a troqué son bistouri pour le crayon de la critique au sein du journal satirique Krokodil – fameux à l’époque. J’ai établi le livret en allemand et en russe, avec l’aide de mon fils Valentin, germaniste et journaliste politique à Berlin. Enfin, avec l’autorisation de Brigitte Maria Mayer, l’épouse de Müller, j’ai retiré de Germania 3 les citations historiques de Brecht, Kleist… tout en ajoutant deux fragments du premier Germania, de 1971.

Y a-t-il chez Müller une construction linéaire ?

Non, dans l’esprit d’Eugène Onéguine de Pouchkine, les séquences sont séparées comme les tableaux d’une même époque, que je nommerais « scènes dramatiques », au nombre de dix, réparties sur deux actes.

Le sujet est-il aussi politique que celui de votre précédent opéra ?

La période est différente, mais si Cœur de chien peut apparaître, au premier acte, comme une formidable bouffonnerie, au second, le drame se noue. GerMANIA, au contraire, n’a rien de comique, dans la mesure où son sujet se réfère à notre passé immédiat : des événements qui se sont déroulés soixante-dix ans plus tôt, avec Staline et Hitler qui déplacent des populations entières pour mieux les persécuter – juifs, opposants politiques, élites, intellectuels, artistes, scientifiques, etc. –, et qui pratiquent le meurtre à grande échelle. La fulgurance du texte de Müller expose sans ambiguïté cette volonté de nuire, cette barbarie abjecte.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 139

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