© THOMMY MARDO

Tosca et Faust à Vienne, à partir du 8 janvier, Les Contes d’Hoffmann à Amsterdam, à partir du 3 juin : le baryton-basse uruguayen enchaîne les incarnations maléfiques, avec le fascinant Mefistofele de Boito en apothéose, les 5 et 9 juillet, pour ses débuts aux Chorégies d’Orange.

Le Scarpia de Puccini, le Méphisto de Gounod, les quatre figures diaboliques d’Offenbach, le Mefistofele de Boito… Y a-t-il une jouissance spéciale à enchaîner les personnages maléfiques ? Il m’amuse de penser qu’au Moyen Âge, dans les « mystères », personne ne voulait incarner Satan ou le serpent de la Genèse, de peur de se faire lapider par un public incapable de dissocier l’acteur de son rôle…

Une précision, d’abord : Faust et Mefistofele sont à mettre en lien avec La Damnation de Faust, que je chanterai en deuxième partie d’année. J’ai voulu, en effet, organiser mon calendrier 2018 autour de cette trilogie inspirée de Goethe. Je trouve passionnant de voir comment, avec la même histoire et les mêmes personnages, Berlioz, Gounod et Boito ont réussi à écrire des œuvres entièrement différentes. Déjà, la langue change beaucoup de choses. Méphisto paraît ainsi plus « bonhomme » en français. Et puis, il y a la musique… Pour revenir à votre question, oui, incarner un personnage diabolique, ou tout simplement un « méchant », est extrêmement jouissif. Surtout quand on cherche à lui conférer une certaine élégance, voire une forme de séduction, en dépassant le cliché consistant à associer la laideur au mal. C’est à la fois plus intéressant et plus subversif ! Concernant votre réflexion sur les « mystères », je crois que la situation n’a pas fondamentalement changé depuis le Moyen Âge, même si le public d’aujourd’hui est un peu plus civilisé. Après une Tosca, par exemple, des spectateurs sont venus me dire que mon Scarpia les avait terrorisés, en ajoutant qu’ils ne m’avaient pas du tout reconnu. J’ai pris les deux remarques comme des compliments, heureux de leur avoir donné la sensation que je ne jouais pas, mais que j’étais véritablement le personnage.

Chantez-vous Mefistofele depuis longtemps ?

Je l’ai abordé en 2011, à Monte-Carlo, dans une mise en scène de Jean-Louis Grinda, comme ce sera le cas aux Chorégies d’Orange, cet été. D’un point de vue vocal comme artistique, ces « méchants » réclament une grande maturité et je ne n’ai pas voulu précipiter les choses. Alors que j’ai commencé ma carrière professionnelle en 1994, j’ai ainsi attendu 2016 pour me lancer dans Scarpia, au Staatsoper de Berlin. Et les quatre rôles diaboliques des Contes d’Hoffmann, à Amsterdam, seront mes premiers, après diverses occasions manquées. J’ai conscience qu’ils ont été incarnés, dans le passé, par d’immenses interprètes, à côté desquels je me dois de rester humble. Si je parviens à faire moitié aussi bien qu’eux, ce sera déjà formidable !

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 135

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