© PHILIPPE STIRNWEISS

Après l’avant-première de la Ruhrtriennale, le 25 août, Kein Licht, inspiré par le tsunami et l’accident nucléaire qui ont bouleversé le monde en 2011, entame sa tournée des coproducteurs : Opéra National du Rhin et Festival Musica, le 22 septembre, Opéra-Comique, le 18 octobre…

À l’occasion de vos précédents opéras, vous avez abordé des mythes modernes nourrissant votre imaginaire et celui de vos contemporains. Avec Kein Licht, commande de l’Opéra-Comique, vous avez composé d’après l’œuvre de l’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinek, inspirée par la catastrophe de Fukushima qui a saisi l’opinion mondiale et bouleversé les consciences. Comment ce projet est-il né ?

Le metteur en scène allemand Nicolas Stemann, familier depuis longtemps de l’œuvre de Jelinek, m’a proposé ce texte qu’elle avait écrit après le tsunami du 11 mars 2011. Kein Licht interroge la place du nucléaire dans la politique énergétique des États, la responsabilité humaine, et offre une réflexion, non dénuée d’humour, sur l’engagement de notre propre vie dans un monde où la technologie est reine. Le texte de Jelinek débute par un long monologue distribué entre A et B, deux « personnages » qui ne sont jamais définis, perdus dans l’espace et le temps à la suite d’une tragédie. Et puis, il y a un nouveau texte que Jelinek nous a récemment donné, écrit après l’élection de Donald Trump. Il ne s’agit pas – en tout cas, pas pour moi – de faire une œuvre « engagée » qui prendrait position pour ou contre le nucléaire. C’est un problème bien trop vaste et complexe, qui fait surgir de multiples contradictions. J’ai trouvé dans ce texte, de prime abord obscur, une dimension musicale et dramatique que je pouvais mettre en forme, afin de la rendre audible et concrète.

Avec cette œuvre, vous poursuivez votre exploration de nouveaux codes pour l’opéra. Vous définissez Kein Licht comme un « Thinkspiel ». Que faut-il entendre par ce terme ?

Je propose effectivement un genre opératique inédit et ouvert, un « work in progress » alliant théâtre et musique. Réinventer l’opéra suppose, selon moi, un rapprochement avec des formes théâtrales contemporaines, qui offrent un espace de liberté n’existant pas dans les formes lyriques classiques. Avec Nicolas Stemann, nous avons cherché à instaurer un dialogue entre ces deux registres, sans clivages hiérarchiques, pour créer une continuité entre voix parlée concrète et voix chantée stylisée. Sont réunis des acteurs, des chanteurs, un ensemble de douze instrumentistes, la musique électronique en temps réel, un petit chœur… et même un chien que nous avons intégré à la distribution ! C’est d’ailleurs à ce dernier que reviendra la tâche d’ouvrir l’opéra. Il s’agit d’une mise en jeu de la pensée et d’une pensée en jeu qui permettent de redéfinir la forme, le déroulement des scènes, et même leur contenu.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 131

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