© STUDIO AMATI BACCIARDI

Nommé directeur artistique du ROF (Rossini Opera Festival) de Pesaro, en 2016, le ténor péruvien, inoubliable interprète du compositeur dans les années 1970-1980, propose trois opéras du 10 au 21 août : Le Siège de Corinthe, La pietra del paragone et Torvaldo e Dorliska.

Directeur artistique du ROF depuis le 1er janvier 2016, vous y avez succédé à Alberto Zedda, disparu le 6 mars dernier. Dans quel état d’esprit abordez-vous cette 38e édition du Festival ?

La disparition d’Alberto Zedda a laissé un vide que nul ne pourra jamais combler. Impossible de se hisser à la même hauteur que cet homme, resté alerte et efficace jusqu’à ses derniers jours, qui aimait par-dessus tout les jeunes artistes. Je l’ai connu en 1972, quasiment au commencement de ma carrière de ténor, et nous avons souvent travaillé ensemble, y compris après mon retrait des scènes, en 1998. Comme j’aime à le répéter, la « Rossini Renaissance » a eu trois principaux maîtres d’œuvre : Claudio Abbado, Jean-Pierre Ponnelle et Alberto Zedda. La contribution de ce dernier a été à la fois essentielle et très particulière. Il était le « bon père », sage, cultivé, toujours disponible pour aider à comprendre ce que cela signifiait d’interpréter la musique de Rossini. Une anecdote le résume à mes yeux. Quand j’ai été nommé à son poste de directeur artistique du ROF, Zedda n’a pas pour autant déserté la manifestation. Un jour de répétition, j’ai eu la surprise de l’entendre me demander l’autorisation d’y assister depuis la salle ! Je lui ai répondu que le Festival était sa maison et que les portes lui seraient toujours ouvertes. Mais j’ai été sidéré par tant d’humilité. Voilà qui était Alberto Zedda !

Après sa disparition, vous l’avez également remplacé à l’Accademia Rossiniana de Pesaro, qu’il avait fondée en 1989 et dont il conservait depuis la direction…

Je sais parfaitement que je ne possède  ni les connaissances, ni l’expérience du maestro Zedda. Mais à l’impossible, nul n’est tenu ! Pour l’avoir régulièrement côtoyé, je connais la politique qu’il menait à la tête de l’Accademia et j’entends la poursuivre, en y apportant, bien sûr, mes propres inflexions. Ne serait-ce que parce que je ne suis pas chef d’orchestre, mais chanteur. Rossini est un compositeur que ses interprètes doivent, d’une certaine manière, « aider ». Dans le sens où il faut partir en quête de ce qui est écrit entre les notes, sans se contenter de les lire. Le solfège est la mort de Rossini ! En l’espace des deux semaines de l’Accademia, il est évident que nous n’avons pas le temps de former un artiste de A à Z. Raison pour laquelle un système de présélection a été institué, pour détecter les véritables talents et leur apporter la maîtrise du style qui leur fait encore défaut. Tous les ans, nous leur faisons travailler Il viaggio a Reims, opéra aux multiples difficultés. Le matin, ils se perfectionnent sous ma direction puis, l’après-midi, vient le temps des cours individuels avec certains artistes, des moments de partage, à commencer par les conférences données par Juan Diego Florez, Pier Luigi Pizzi, Franco Fusi, Franco Musarra, Marco Mencoboni… Cet enseignement porte apparemment ses fruits puisque, depuis près de trente ans, l’Accademia a formé des chanteurs qui arpentent aujourd’hui les plus grandes scènes de la planète !

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