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© ALEKSEY GUSHCHIN

L’automne est mozartien pour le chef gréco-russe, avec Die Entführung aus dem Serail à l’Opernhaus de Zurich, à partir du 6 novembre, dans une production qu’il viendra proposer au Théâtre des Champs-Élysées, le 13 novembre, en version de concert. Parallèlement, on attend avec impatience le dernier volet de son cycle Da Ponte, chez Sony Classical : Don Giovanni, avec Dimitris Tiliakos dans le rôle-titre, Myrto Papatanasiu en Donna Anna et Karina Gauvin en Donna Elvira. Sortie prévue le 4 novembre.

Vous achevez votre trilogie Mozart/Da Ponte, enregistrée pour Sony Classical, avec Don Giovanni ; vous l’aviez commencée par Le nozze di Figaro et poursuivie par Cosi fan tutte. Cet ordre obéit-il à une raison particulière ?

Non, absolument pas ; nous devions, d’ailleurs, commencer par Cosi, mais le sort en a décidé autrement. Pour moi, ces trois opéras sont comme les trois pièces d’un puzzle que l’on peut agencer comme on le souhaite. Mais je suis heureux de cet ordre définitif : il est question de révolution dans ces œuvres, révolution sociale dans Le nozze di Figaro, révolution dans le domaine des sentiments et de l’amour avec Cosi fan tutte. Dans Don Giovanni, nous passons à un stade supérieur, qui est celui de la philosophie et de la métaphysique.

Comment imaginez-vous le personnage de Don Giovanni ?

Beaucoup de gens pensent que c’est uniquement un collectionneur de femmes, mais ce qui l’anime est bien plus profond que des problèmes de libido ; ses pulsions n’ont pas pour but la recherche du plaisir mais celle de la mort, comme Freud aurait pu le montrer. Les conflits, dans cet opéra, opposent la personne à la société ; on peut dire qu’ils sont d’ordre religieux, puisque l’une des questions qui se posent est de savoir ce qui est bien ou ce qui est mal. Nous éprouvons tous de la sympathie pour Don Giovanni, nous voudrions vivre comme lui, mais les codes sociaux et moraux nous l’interdisent.

L’amour a-t-il sa place dans un tel univers ?

Non. Personne n’éprouve un véritable amour dans Don Giovanni, contrairement à Cosi, où tout le monde aime tout le monde, quelle que soit la manière dont se forment les couples. C’est d’autant plus évident que l’amour et la mort, Éros et Thanatos, sont liés dès le début. Don Giovanni séduit la fille et tue le père ; le sperme, le sexe et le sang sont là dans les dix premières minutes.

Et même dès l’Ouverture ?

Oui, car Mozart nous y donne clairement à entendre ce qui va arriver. La réaction de l’entourage de Don Giovanni, c’est celle de l’humanité envers quelqu’un qui fait ce que les autres voudraient faire, mais qu’ils n’ont pas le cran de faire.

Est-ce cette volonté d’agir sans contrainte, qui fait de Don Giovanni un héros moderne ?

Moderne, peut-être, mais surtout de tous les temps. Les époques diffèrent, mais les choses changent-elles tellement ? Prenez le théâtre de Shakespeare, par exemple ; les problèmes dont il traite sont les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Ce qui est différent, c’est sans doute la vitesse à laquelle va la vie de nos jours ; tout va plus vite, mais l’essentiel est toujours là, les guerres, les relations entre les gens.

Lire la suite dans Opéra Magazine numéro 121

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