À partir du 13 mars, le chef argentin dirige Die Gezeichneten à l’Opéra de Lyon. L’opportunité de découvrir, après Der ferne Klang à l’Opéra National du Rhin, en 2012, un autre chef-d’œuvre de Franz Schreker, créé à Francfort, en 1918.

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Alejo_Perez

Étudie la composition, le piano et la direction d’orchestre à Buenos Aires. Se perfectionne ensuite avec Peter Eötvös. Assistant de Christoph von Dohnanyi au NDR-Sinfonieorchester, entre 2005 et 2007. Débuts français à l’Opéra de Lyon, en 2005, dans Pollicino de Henze. Y dirige ensuite Lady Sarashina d’Eötvös (2008) et Le Rossignol de Stravinsky (2012).

Par quoi êtes-vous attiré dans Die Gezeichneten (Les Stigmatisés) ?
Cet opéra fait partie d’un monde dans lequel je me sens à l’aise : la fin du XIXe et le début du XXe siècle, d’une part ; l’univers germanique de l’autre, avec ses atmosphères de plus en plus étouffantes. Il y a toutefois quelque chose de latin dans le germanisme de Schreker, un lyrisme souligné, dans la partition, par des indications comme « Avec une passion brutale ». Schreker était presque exclusivement un compositeur d’opéra, son affinité avec la scène était instinctive. Il a mis la mélodie au premier rang, ce qui est rare chez les musiciens autrichiens ou allemands, qui ont toujours eu tendance à privilégier le travail harmonique. C’est évident chez Schoenberg et Berg, dès avant l’abandon de la tonalité, comme chez le Mahler des Symphonies n° 9 et n° 10. Je ne dis pas que Schoenberg, Berg et Mahler étaient de mauvais mélodistes, simplement que la mélodie n’était pas ce qui les intéressait au premier chef.

Ne faut-il pas voir, dans cette tendance, l’influence de Wagner et de son récitatif continu ?
Il y a des mélodies dans Rienzi et Der fliegende Holländer. Mais il est vrai que chez le Wagner de la maturité, ce qu’on appelle la « mélodie infinie » ne peut exister sans l’aide de l’harmonie et des changements chromatiques dans les voix intermédiaires.

À quoi ressemble un opéra comme Die Gezeichneten ?
C’est une partition complexe, qui est le produit de son époque. Elle est conçue d’un seul tenant, mais des moments lyriques, des airs, des ensembles s’en détachent, sans qu’il s’agisse de numéros fermés. Schreker a écrit des figures rythmiques complexes, voire contre nature, pour les voix, mais toujours au service d’une déclamation préservant la fluidité du rythme de la langue parlée. Il y a, dans Die Gezeichneten, une flexibilité qu’on ne trouve jamais chez Wagner, et rarement chez Richard Strauss. L’orchestre original est énorme, mais nous utiliserons, à Lyon, la réduction effectuée par George Stelluto pour les représentations données à Los Angeles, en 2010. Les bois passent de quatre à trois, les cors de six à quatre, les parties de percussion sont adaptées en proportion, etc. Je précise que Schreker utilise la percussion, le célesta et la harpe non pas comme des compléments, mais comme des éléments structurels de son orchestre, en particulier dans les scènes évoquant l’île d’Élysée, cette utopie onirique d’Alviano Salvago, riche Génois du XVIe siècle.

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