Le metteur en scène français, qui veut se consacrer entièrement à ses nouvelles fonctions de directeur du Festival d’Avignon à partir de janvier 2014, met les bouchées doubles cet automne. Entre le 12 septembre et le 10 décembre, il s’attaque successivement à trois piliers du répertoire lyrique : Alceste de Gluck au Palais Garnier, Aida à l’Opéra Bastille et Dialogues des Carmélites au Théâtre des Champs-Élysées. Un finale en guise de feu d’artifice, pour l’un des créateurs les plus originaux et inventifs de notre époque.

87_entretien_-_olivier_pyAlceste au Palais Garnier, Aida à l’Opéra Bastille, Dialogues des Carmélites au Théâtre des Champs-Élysées : vous allez être très exposé durant le dernier trimestre 2013 ! Est-ce un hasard ?
C’est un peu le fait du hasard, mais cela tient aussi aux exigences de mon calendrier. En 2014, je vais prendre officiellement mes fonctions en tant que directeur du Festival d­’Avignon, même si, en réalité, je suis sur le pont depuis six mois ; j’ai donc refusé tout ce qui dépassait le mois de décembre 2013, pour me consacrer uniquement à cette tâche très lourde. Ensuite, pendant un an et demi, voire deux ans, je ne mettrai plus en scène d’opéra, donc le dernier trimestre 2013 sera, dans ce domaine, mon feu d’artifice !

Mais deux nouveaux spectacles en un mois, à l’Opéra National de Paris, c’est plutôt rare…
En fait, Nicolas Joel m’a d’abord proposé Alceste, et j’ai accepté avec joie, parce que j’adore cette musique. Un mois plus tard, il m’a parlé ­d’Aida. Pierre-André Weitz, le scénographe avec lequel je travaille depuis maintenant vingt ans, penchait pour Verdi, moi pour Gluck. Le choix était difficile, de même qu’entre les deux chefs d’orchestre, Marc Minkowski (Alceste) et Philippe Jordan (Aida). Et puis, Nicolas m’a rappelé et demandé d’enchaîner les deux. C’était un pari complètement fou, mais je me suis dit  « Allons-y, soyons fous », et j’ai accepté !

Et Dialogues des Carmélites ?
Là, c’est autre chose. Le projet était très ancien, et il eût été malhonnête à l’égard de Michel Franck, le directeur général du TCE, de me décommander, donc j’ai confirmé mon accord.

Vous êtes sur tous les fronts, puisque vous avez également écrit un texte, Siegfried, nocturne, mis en musique par le compositeur suisse Michael Jarrell…
Effectivement. Siegfried, nocturne est un « monodrame pour voix d’homme et ensemble instrumental », qui sera mis en scène par Hervé Loichemol et créé, le 13 octobre prochain, à la Comédie de Genève ; Stefan Asbury dirigera l’Ensemble Multilatérale, et Bo Skovhus interprètera Siegfried. Lorsque Jean-Marie Blanchard, le directeur du « Wagner Geneva Festival », m’a demandé ce livret, j’étais excité comme un petit garçon ! Je l’ai écrit en trois semaines. Le texte, qui aura la forme d’un très court roman, sera édité chez Actes Sud à la rentrée. Michael Jarrell l’a fait traduire en ­allemand ; c’est un monologue de Siegfried, il est donc logique que mon personnage s’exprime dans cette langue plutôt qu’en français.

Vous dites qu’il s’agit d’une vision de l’« Allemagne année zéro ».
En quelque sorte. Le Siegfried wagnérien se promène dans les ruines de l’Allemagne d’après-guerre. C’est un moyen pour moi d’approfondir ma dette à l’égard de la culture allemande (Wagner, le romantisme…), et d’en venir à ce qui me taraude : y avait-il un germe de mort dans le romantisme allemand ? C’est une question que j’ai toujours contournée, sans doute parce que j’ai pensé qu’elle susciterait des polémiques et que je n’aime pas me trouver au milieu de conflits ; je préfère qu’on m’adore !

Pour l’heure (1), vous partez à Munich mettre en scène Il trovatore ; la mauvaise réputation du livret ne vous rebute-t-elle pas ?
Mais ceux qui affirment qu’il est absurde le disent simplement parce qu’il leur fait peur ! C’est une histoire terrifiante, morbide, ­œdipienne, un long cauchemar qui ne ­ressemble à aucune autre intrigue de Verdi. Si j’avais à faire une comparaison avec un écrivain, ce serait Georges Bataille. Lorsqu’on prend ce livret au sérieux, on s’aperçoit qu’il est brûlant : ce bébé jeté dans le feu, cette mère incestueuse, ce sadisme…

Comment voyez-vous les personnages et dans quel décor les placerez-vous ?
Il est évident qu’Azucena est le plus important. Mais Leonora est loin d’être négligeable ; c’est une espèce de folle mystique, proche de son homonyme dans La forza del destino – un opéra que j’ai mis en scène à Cologne, en septembre 2012. Je déteste les visions réalistes, je navigue toujours entre plusieurs époques. Pierre-André a imaginé une sorte de grande machine à la Tinguely, pleine de rouages, de métal coupant… Il n’y aura pas une minute de répit.

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