À mi-chemin de Salzbourg et Vienne, la ville d’Anton Bruckner a tout pour devenir une étape privilégiée des mélomanes voyageurs. À la pointe de la technologie, son nouveau Musiktheater, inauguré le 11 avril dernier, complète l’éventail des salles mises à la disposition du Landestheater Linz, dont la programmation, placée sous la responsabilité de Rainer Mennicken, couvre aussi bien l’opéra que l’opérette, la danse, la comédie musicale, le théâtre parlé et les spectacles pour jeune public. Ouvert avec une création mondiale de Philip Glass, le bâtiment accueillera, à partir d’octobre, une nouvelle production de Der Ring des Nibelungen.

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Capitale du Land de Haute-Autriche (Oberösterreich), Linz est une métropole industrielle en profonde mutation. Riche en espaces verts, la ville fait corps avec le Danube, à l’image du Lentos, galerie d’art moderne, arche massive aux façades de verre, qui s’illumine la nuit et restitue en miroir les mouvements du fleuve. Le curieux y flânera, le plus souvent à pied, admirant des façades aux moulures élégantes, rehaussées de vert clair ou d’un rosé délicat, ou encore quelques églises baroques, aux intérieurs – un peu trop – fastueux. Sans oublier des bâtiments futuristes comme l’Ars Electronica Center, musée dédié aux arts numériques.

Le mélomane ne manquera pas de chercher les traces d’Anton Bruckner (1824-1896), l’enfant du pays, puisque né à Ansfelden, petit village situé à quelques kilomètres au sud de Linz. Il étudia trois ans à l’abbaye de Saint-Florian, un véritable joyau. On y conserve « l’orgue Bruckner », riche de plus de 7 000 tuyaux. Organiste à la cathédrale, le compositeur vécut à Linz de 1855 à 1868, avant de partir pour Vienne. Du Bruckner Orchester (l’orchestre qui porte son nom) à la Brucknerhaus (salle de concerts), en passant le Brucknerfest, festival dédié à son œuvre, sa mémoire est omniprésente. Mozart fit également un bref séjour à Linz : il y écrivit une de ses Symphonies les plus populaires (n° 36 en ut majeur KV 425), dans un appartement situé Klosterstrasse, que l’on peut visiter.
Forte de cette riche tradition musicale, la ville a décidé de se doter d’un nouveau théâtre, il y a plus d’une dizaine d’années. Le projet a fait couler beaucoup d’encre et a même failli disparaître, après l’organisation d’un référendum local par le FPÖ (Parti libéral autrichien) en 2000. Conçu par Terry Pawson Architects pour un budget de 180 millions d’euros, le bâtiment a été construit en cinq ans, imposant de lourds travaux de détournement routier pour permettre une implantation de plain-pied avec le parc du Volksgarten, qui lui fait face. Situé à proximité de la gare, le Musiktheater est à un kilomètre du Danube, auquel le relie une large avenue, qu’empruntent les tramways et que bordent de nombreuses boutiques, évidemment «boostées» par ce nouvel équipement culturel.

UNE AMBITION DÉMOCRATIQUE
De taille similaire à des maisons comme Oslo ou Copenhague, le Musiktheater a ouvert en avril 2013. Avec une ambition « démocratique», qui s’impose dès le premier abord. Ici, pas d’escalier monumental : quelques marches à peine séparent le bâtiment du parc. Une large façade en verre, évoquant un rideau, impose une forme de transparence. «Dans une société démocratique, un théâtre est par essence un lieu populaire, explique Rainer Mennicken, né en 1950 à Bielefeld et intendant du Landestheater Linz depuis 2006. Nous avons souhaité que tout le monde se sente concerné par ce projet. Lors du week-end d’ouverture (13-14 avril), quelque 30 000 spectateurs ont ainsi assisté à nos représentations, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du théâtre.»
Un extraordinaire spectacle nocturne et gratuit, Ein Parzifal, monté par La Fura dels Baus, a en effet été donné devant le Musiktheater. Sur la musique de Wagner, acrobates suspendus à des filins et marionnette géante (actionnée par des grues !), dans un vertige de couleurs et de pyrotechnie, se sont associés pour une soirée véritablement magique, que l’on regardait avec des yeux d’enfant.
En outre, dans le prolongement de l’inauguration de son nouvel équipement, le Landestheater Linz a associé ses artistes «mai- son» avec «des centaines d’invités de la région, issus d’ensembles publics ou privés», pour une série de spectacles gratuits qui ont fait venir « environ 30 000 visiteurs, dont 20 000 ont acheté des billets pour nos premières productions », se réjouit Rainer Mennicken, qui voit dans ce «programme d’ouverture, qui dure deux mois et demi, un festival en soi».

 

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