À l’heure où tant de théâtres lyriques souffrent à travers le monde, l’Opéra de la deuxième ville de Suède, qui fête son 20e anniversaire en 2014, affiche une santé insolente. Son directeur général et son directeur artistique lèvent le voile sur les raisons de ce succès.

96_en_coulisse_goteborgDans le fracas d’un vent violent, qui agite les eaux du Göta älv, à quelques encablures du détroit entre le Danemark et la Suède, l’Opéra de Göteborg affiche l’élégance de ses lignes, et sa transparence, en grandes parois de verre assurant une vue imprenable sur le fleuve. Symbole évident de la force tranquille qui anime cette maison, inaugurée il y a vingt ans. Au moment où nombre d’Opéras s’interrogent sur leur avenir, Göteborg voit le sien sereinement, s’offrant même le luxe de construire un nouveau bâtiment, qui lui permettra de disposer de deux salles supplémentaires.

UN MODÈLE ÉCONOMIQUE SOLIDE
La crise affectant le monde lyrique semble avoir épargné la deuxième ville de Suède (522 000 habitants au dernier recensement). Lorsque certains théâtres ferment, que d’autres réduisent drastiquement leur programmation, Göteborg affiche, en effet, une robustesse à toute épreuve. « Nous bénéficions d’un soutien politique constant de la part du Conseil ­régional, et notre modèle économique, qui laisse une large place au financement privé, est solide », explique Peter Hansson, le directeur général de l’Opéra, qui revendique comme rôle premier celui de garantir la bonne santé de son budget. Et affiche une gestion parfaitement rigoureuse. « Le public est bien reçu, avec tout le confort nécessaire. Mais, côté administratif, c’est plutôt du mobilier IKEA ! », sourit-il.
Avant de prendre les rênes de l’Opéra, Peter Hansson a travaillé pendant trente-quatre ans chez Volvo, dont il a été l’un des dirigeants – le constructeur est, avec SKF et Göteborgs Hamm, l’un des trois principaux sponsors de la maison. « En tout, il y a environ soixante-dix entreprises qui nous soutiennent. Les recettes provenant du secteur privé sont stables depuis 1994 », se félicite Peter Hansson. « Nous avons subi la crise financière en 2009-2010, mais si certains partenaires ont alors réduit leur participation, d’autres les ont remplacés. » L’Opéra affiche, chaque année, entre 11 et 12 millions de couronnes suédoises issus du sponsoring – « contre moins de 5 millions pour l’Opéra de Stockholm », précise Peter Hansson.
À ces recettes s’ajoutent d’autres revenus, issus de la billetterie (77 millions de couronnes), de la boutique et du restaurant. Ce dernier, qui n’ouvre pas seulement les jours de représentation, connaît un grand succès : « De quoi financer deux spectacles de danse », selon Hansson !

DEVENIR L’UN DES PREMIERS OPÉRA SCANDINAVES
Cette situation financière saine autorise une politique tarifaire accueillante, avec des places à un prix maximal de 630 couronnes (70 euros). Quant à la programmation, elle est éclectique. Nouveau directeur artistique pour l’opéra – une directrice artistique pour le ballet, Adolphe Binder, a été nommée en 2011 –, Stephen Langridge entend présenter un éventail de productions le plus large possible, du baroque à nos jours. Donner La Calisto de Cavalli, les grands Mozart et Wagner, mais aussi Bartok, Schoenberg, John Adams…
Le metteur en scène britannique ne s’en cache pas, il a pour ambition de faire de Göteborg une des premières maisons d’opéra de Scandinavie. Il souhaite aussi attirer le public étranger, notamment allemand : « Berlin ou Hambourg ne sont qu’à une heure d’avion. Nous devons offrir des spectacles audacieux, qui donnent envie de venir à Göteborg. Ainsi, avec La Juive, une œuvre rarement représentée, nous avons élargi notre audience… » Et d’annoncer, sur sa lancée, la commande d’un opéra au compositeur suédois Hans Gefors, sur un livret de Kerstin Perski : Notorious (Les Enchaînés), d’après le film éponyme d’Alfred Hitchcock (1946, avec Ingrid Bergman et Cary Grant) ; Nina Stemme devrait y tenir le rôle principal.
Mais, à Göteborg, on ne précipite rien. Les répétitions peuvent durer sept, voire huit semaines ! Comme le souligne Stephen Langridge, « les chanteurs qui viennent ici veulent travailler », ce qui exclut – a priori – les vedettes, mais garantit des spectacles fouillés.

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