2013 restera une année marquante dans l’histoire de l’art lyrique au Kazakhstan. Par la volonté du président de cette immense république d’Asie centrale, un nouvel Opéra est sorti de terre au cœur de la capitale, entre des édifices flambant neuf à l’architecture futuriste, avec lesquels il tranche par le néo-classicisme de ses lignes. Astana possède désormais un outil capable de rivaliser avec les plus prestigieuses scènes lyriques européennes. Son ambition est de coopérer avec elles pour établir, à ce carrefour entre deux continents, un foyer de création théâtrale et musicale doté d’un rayonnement international.

90_coulisse_-_astanaÀ cheval entre l’Europe et l’Asie, jouxtant à la fois la Russie, la Chine et les autres pays d’Asie centrale autrefois membres de l’Union soviétique (Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizistan), le Kazakhstan est une immense contrée, cinq fois plus vaste que la France. S’étendant à travers les steppes, il tire l’essentiel de sa richesse de l’exploitation du pétrole, dans et autour de la mer Caspienne, ainsi que de divers minerais : fer, manganèse, ­potassium, uranium (dont il est le premier producteur mondial).
Nursultan Nazarbayev, président de la République depuis l’indépendance (1991), a pour ambition d’accroître le rayonnement international de son pays, en jouant sur tous les leviers, dont celui de la culture. En 1997, il a choisi de transférer la capitale, jusque-là ­installée à Almaty, dans l’extrême sud du territoire, à l’ancienne Tselinograd soviétique, rebaptisée pour l’occasion Astana. Située beaucoup plus au nord, presque au centre du pays, la ville bénéficie, depuis seize ans, d’un programme de développement pharaonique, lié à la fois à son nouveau statut (grâce à l’afflux de fonctionnaires et cadres d’entreprise, la population a quasiment triplé, pour s’établir à 800 000 habitants) et à la volonté d’en faire une vitrine sur le reste du monde (des vols quotidiens la relient à Moscou, Kiev, Vienne, Francfort…).
Les bâtiments poussent donc comme des champignons dans le « nouveau quartier », tous plus impressionnants les uns que les autres : la tour Bayterek, devenue le symbole de la cité ; le palais présidentiel ; la nouvelle salle de concerts ; la nouvelle mosquée (le Kazakhstan est à 70 % musulman) ; le centre commercial Khan Shatyr, en forme de yourte ; la pyramide de la paix universelle… Les plus prestigieux architectes (Norman Foster, Manfredi Nicoletti, Kisho Kurokawa) donnent ici libre cours à leur imagination, pour un résultat d’ensemble qui coupe littéralement le souffle. Capitale administrative, plate-forme économique, Astana est également une métropole entièrement tournée vers l’avenir. Elle accueillera d’ailleurs, en 2017, l’Exposition internationale sur le thème « L’énergie du futur ».

NÉO-CLASSIQUE ET MONUMENTAL
Nursultan Nazarbayev pouvait-il ne pas construire un Opéra, surtout sur un continent où les théâtres lyriques fleurissent de toutes parts (Pékin, Shanghai, Hong Kong, Mascate…) ? Il en existait bien un, le Théâtre Baiseitova (du nom d’une célèbre cantatrice soviétique originaire du Kazakhstan, née en 1905 et morte en 1957). Mais il n’était absolument plus adapté aux ambitions de la ville. Un nouveau a donc été construit, sur des plans de l’architecte Renato Archetti, dans un style que l’on pourrait qualifier de « néo-classique monumental ». Tout blanc, avec sa façade à colonnades surplombée d’un chapiteau, le bâtiment, vu de l’extérieur, évoque irrésistiblement un temple grec. Mais, si l’on regarde dans le détail, on repère vite de nombreux motifs empruntés à l’histoire et à la culture ­kazakhes, à commencer par le quadrige en bronze installé au sommet, qui représente Tomyris, la légendaire reine des Massagètes, peuple nomade d’Asie centrale dans l’Antiquité.
L’intérieur est tout aussi saisissant, notamment le hall, tellement gigantesque qu’il rappelle davantage celui d’une gare que d’un théâtre. Entièrement en marbre, entouré de balcons et de piliers, et orné ­d’immenses rosaces, il joue de quatre couleurs dominantes : blanc, ocre clair, rouge foncé et vert profond. Quant à la salle principale, à l’italienne et d’une capacité de mille deux cent cinquante sièges, elle se répartit entre un parterre, une série de loges, trois rangées de balcons aux rambardes dorées, et un amphithéâtre. Les sièges sont recouverts de velours rouge, le sol d’un plancher de bois clair, pour un ensemble assez chargé et dont l’esthétique générale, en définitive, a un petit côté « Disneyland ». L’acoustique, elle, est absolument exceptionnelle.

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